Pour Dantec, l'avenir sera tiède
Par Pierre Marcelle.
 
 

«Soit deux contemporains écrivant de quantité. En fait de littérature, entre Renaud Camus et Maurice G. Dantec, rien de commun : le premier perçoit le monde au prisme de son style, le second asservit ses écrits à sa perception du monde. J'aime la musique tenue de Camus, le bruit que fait la matrice technoïde des livres de Dantec me fatigue, mais ceci n'est qu'affaire de goût. Pourtant, quatre ans après cette "affaire Camus" (lequel, en son Journal, avait arithmétiquement "compté les juifs" aux ondes de France Culture), Dantec en suscite une autre en se liant politiquement avec les néo-nazis du groupuscule électronique Bloc identitaire (Libération du 22 janvier). Là encore, entre les deux affaires, rien de commun : Camus jamais ne put, en écrivant, se concevoir antisémite, quand Dantec, braillant à tous les échos d'Internet, revendique une extrême islamophobie. En ces temps étroits que vit la chose littéraire, la perpétuelle confusion de l'auto et de la fiction, du réel et de l'ego, tient lieu de pauvre ersatz à un défunt désir de "changer la vie". Face à Dantec brandissant l'étendard de sa "chrétienté française" et chargeant furieusement "l'Antéchrist coranique", on s'attendait à voir resurgir les procureurs avides ? ceux-là mêmes qui avaient dressé à Camus ce bûcher monumental où furent consumés l'homme aussi bien que l'oeuvre; les mêmes, tiens, qui avaient tressé à Dantec les lauriers de sa gloire technoïdale et intergalactique... Je pense à Sollers Imprecator, à sa maison Gallimard où l'on se déclare "consterné", et à son annexe du Monde, où, jeudi dernier, Maurice G. Dantec est discrètement devenu "M. Dantec". Comparé au vacarme médiatique que firent les plumes qui fusillèrent Renaud Camus, le silence qui constate depuis une semaine les délires de Maurice G. Dantec ressortit à un étonnant deux poids deux mesures. On ne s'explique pas cet écart, on ne sait comment l'interpréter. Pourtant, aussi incompréhensible soit-il, il doit bien signifier quelque chose, non ?»

P. Marcelle