Renaud Camus irrécupérable
Par Ivan Rioufol
 

La censure des livres et des idés : une spécialité très française. Elle n'est pas nécessairement l'oeuvre de la justice. Souvent les médias savent faire office, à eux seuls, de comité de salut public.Ils auront laminé l'écrivain Renaud Camus, accusé en avril 2000 d'avoir tenu dans son journal intime (1) des propos déplacés, notamment sur la place des juifs à France Culture. Après protestations de France Culture, de la Licra, du Mrap et de la quasi-totalité de la presse, une édition expurgée d'une dizaine de pages a été mise en vente, au cours de l'été 2000.

Or dans un livre perspicace qui vient de sortir (2) Camus démonte le procès truqué qui lui a été fait, par des personnes qui ne l'avaient pas lu ou qui avaient déformé ses écrits. Il saute aux yeux que Camus n'est pas l'antisémite ni le raciste dénoncé unanimement (seul Alain Finkielkraut l'aura défendu et le défend encore). Apparaît un écrivain qui décrit avec subtilité et entêtement l'évolution du sens de certains mots, à commencer par celui de «Français», devenu plus administratif que culturel, plus vide que plein.

Mais les jugements des médias sont généralement sans appel. Cette défense scrupuleusement honnête est majoritairement ignorée. Seul, cette semaine, un téméraire chroniqueur de Libération (3) s'est offusqué de ce silence. En fait, Camus est irrécupérable. N'est-il pas obsédé par la notion d'«origine», dont le terme est interdit par l'idéologie antiraciste? N'use-t-il pas d'expressions ou de mots aujourd'hui défendus comme «Français de souche», ou «étrangers» ? D'autres Fouquier-Tinville doivent trépigner à l'envie de dénoncer encore des chapitres non homologués par la pensée conforme.

Ivan Rioufol

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(1) La campagne de France, Fayard

(2) Du sens, POL

(3) Pierre Marcelle, Libération du 10 juin 2002. Lire aussi le remarquable article de l'écrivain Emmanuel Carrère, Le Figaro  du 5 juin.