La Tour. Journal 2015

créée le vendredi 27 mars 2015, 13 h 11
modifiée le vendredi 27 mars 2015, 14 h 28
Jeudi 26 mars 2015, minuit.
La bande sonore de substitution que diffuse France Culture à l’intention de ses auditeurs, pendant la grève (laquelle dure maintenant depuis une dizaine de jours…), révèle exactement l’idée que se fait la station de son public. Cette sonorisation d’ascenseur, de centre commercial ou de parking souterrain (mais celui des Invalides, à Paris, est beaucoup plus respectueux de ses usagers…), elle dit tout ce qu’il faut savoir de l’esprit qui préside à la conception des programmes, dans les bureaux de la Maison ronde. Voilà le bruit de ce qu’on y pense, et on y aime, et on y juge. Et si demeurait encore un doute, l’ineffable Marc Voinchet, sans doute frustré d’avoir perdu (provisoirement) sa tribune du matin, tweete comme un possédé des liens vers son répertoire de prédilection — Claude Nougaro, Frank Sinatra, Georges Moustaki et consorts (j’allais oublier Henri Salvador).

« Un peu d’élégance dans ce monde de brutes », écrivait-il tout à l’heure, en introduction à une chanson de Frank Sinatra. Pour ma part, évidemment, je ne vois pas trop ce qu’il peut y avoir de plus vulgaire et inélégant que Frank Sinatra — Claude Nougaro, peut-être…

Le pire, et il n’est pas invraisemblable, serait que la station n’eût pas tort et que son auditoire se reconnût en effet dans cette innommable pistrouille — laquelle n’est pas grand-chose d’autre qu’une extension sur vingt-quatre heures du tristement fameux “Que nous arrive-t-il en ‘musique’ ?” des “Matins”.

Pourquoi et comment la musique a-t-elle cessé d’être le son de la culture, abandonnant le terrain aux variétés, elles-mêmes fourriers de la “diversité”, c’est-à-dire du triomphe du Même, de la “mise à plat”, comme ils aiment à dire, du monde ? Et la culture qui reste sans la musique peut-elle être encore la culture ? Ma réponse est clairement non. On ne peut pas, selon moi, aimer Claude Nougaro et être cultivé. Une culture, comme une bibliothèque, comme une collection ou un musée, se caractérise aussi par ce qui n’y est pas — autrement du moins qu’à titre de citation, pour un moment, de plaisanterie, de référence ironique, afin de montrer qu’on n’est pas bégueule. On ne peut pas, étant cultivé, c’est-à-dire ayant le goût, l’œil, l’oreille formés par la fréquentation habituelle des grandes œuvres à une certaine exigence de beauté, de décence esthétique et de poésie, aimer Claude Nougaro. Pour parler comme Basin de Guermantes, ou comme la princesse d’Orvillers, « qui avait pris à la duchesse de Guermantes ce genre de phrases », il n’y a pas la possibilité matérielle.

Il me faut absolument récupérer les droits de La Dictature de la petite bourgeoisie. Sur la couverture de la nouvelle édition on pourra mettre Marc Voinchet (l’homme qui ne sait pas prononcer cinq (« À dans cinkkk minutes ! »)).

voir l’entrée du jeudi 26 mars 2015 dans Le Jour ni l’Heure

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