Juste avant après. Journal 2017

créée le lundi 18 décembre 2017, 10 h 57
modifiée le lundi 18 décembre 2017, 11 h 02
Plieux, dimanche 17 décembre 2017, minuit.
« Qu’y a-t-il de plus servile et de plus lâche qu’un magistrat ? L’indépendance de la magistrature, cette fameuse indépendance dont on parle tant est une chimère, et une chimère dangereuse parce qu’on l’entretient et que tout le monde y croit. La vérité est bien plus triste. Les magistrats, pour la plus grande majorité [sic], sont des hommes ambitieux qui estiment que  leur carrière est fonction de leur obéissance aveugle au pouvoir quel qu’il soit. Ils condamnent sur ordre ou, du moins, selon la tendance des maîtres de l’heure. 

« Pour la seconde fois en trente ans, je vois le tribunal juger sur des lois d’exception contre les prétendus accapareurs, c’est-à-dire ceux qui vendent la nourriture au-dessus du prix fixé. Que ces lois soient un principe nécessaire, c’est possible, encore que je ne croie pas beaucoup aux bons résultats de pareilles réglementations. Mais qu’on en fasse, par une application féroce, un moyen démagogique de se faire bien voir et de soigner son avancement, voilà ce que je ne puis admettre. C’est pourtant ce qui se passe. Le substitut, dans chaque affaire, crie, pille, et le tribunal tue. On fait de la surenchère. En 1918, on voyait le président Richard faire assaut, avec le substitut Gasné, à la 10e correctionnelle. Le premier a fini à la Cour de cassation, le second procureur général d’Orléans. Aujourd’hui, la comédie continue devant la XIe chambre. Le substitut Turlan, un faux jeton qui ira loin, se lève dans chaque affaire pour requérir avec méchanceté sans distinction. Coupables et innocents sont mis dans le même sac. On fait de la statistique et on ne rend pas la justice. 

« Et partout je trouve les mêmes excès. Les magistrats qui servaient le mieux le Front populaire, et qui cherchaient dans la maçonnerie leurs plus solides appuis, soutiennent frénétiquement les tenanciers de notre régime nouveau et brûlent ce qu’ils ont adoré. On n’a pas enregistré une seule démission de magistrat républicain. Quand ce n’est que pour vivre, il peut y avoir des excuses. Quand l’avancement seul est en cause, on ne peut que vomir. 

« Rares sont ceux qui seraient capables de rendre une sentence juste qui déplairait à leurs chefs ou à l’opinion publique. J’en connais quelques-uns. Ils sont malheureux, pleins de scrupules et angoissés. Ils savent que leurs avis sont de peu de poids et que, dans le tribunal qu’ils composent, peu les suivraient. »

Maurice Garçon, journal, entrée du 19 juin 1941 (Les Belles Lettres / Fayard)

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