L'Étai. Journal 2018

créée le mercredi 6 juin 2018, 10 h 13
modifiée le vendredi 18 octobre 2019, 19 h 31
Orléans, hôtel Mercure-Centre, ch. 811, vendredi 1er juin 2018, sept heures et demie du matin.
Comme je serai ce soir et cette nuit sur les routes, entre Paris et Plieux, avec charge d’âmes, et ne pourrai donc tenir de journal, je dépose ici, avec son autorisation, les conclusions de mon avocat, Me Yohann Rimokh, qui doivent servir d’armature, je présume, à sa plaidoirie devant la XVIIe Chambre, cette après-midi, dans le procès qui m’oppose à Yann Moix : 

N° parquet : 17220000803                Tribunal correctionnel de Paris

XVIIe Chambre

Conclusions

POUR :          M. Renaud Camus,domicilié au Château de Plieux, à Plieux, 32340,

Plaignant,

Ayant pour conseils Maîtres Yohann Rimokh (Barreau de Bruxelles) et Stéphane Bonichot (Barreau de Paris, Toque D0685) dont le cabinet est situé 9-11 avenue Franklin D. Roosevelt à Paris 75008 (tel. : 01 44 09 04 58 / fax : 01 44 09 03 19 / courriels : sbonichot@cabinet-briard.com et rimokh@alphalex-avocats.eu), cabinet au sein duquel le plaignant élit domicile pour les besoins de la présente procédure,

CONTRE :    M. Yann Moix, domicilié […]

Prévenu,

Ayant pour avocat Maître Jean Ennochi, dont le cabinet est situé 6 Place Saint Sulpice à Paris 75006.

*

PLAISE AU TRIBUNAL

M. Camus exposera tour à tour les faits à l’occasion desquels le délit de diffamation a été constitué (I), les éléments tirés de son œuvre qui permettront au Tribunal de céans de se convaincre de l’incompatibilité qui existe entre sa pensée et l’antisémitisme (II) et les règles de droit applicables en l’espèce (III).

I.-

DES FAITS

1.-           M. Camus, le plaignant, est un écrivain né le 10 août 1946 à Chamalières et ayant publié à ce jour plus d’une centaine d’ouvrages appartenant à la plupart des genres littéraires (romans, récits, essais, élégies notamment). Il est officier des Arts et Lettres et ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome (villa Médicis)[1].

Il est président du parti politique l’In-nocence, fondé le 24 octobre 2002 ; l’In-nocence se définit, selon l’article 1er de ses statuts de la manière suivante :

« Définie selon l’étymologie comme une absence (idéale) de nuisance, l’In-nocence, selon le parti qui s’en réclame, n’est pas un acquis mais, de même que l’éducation, un processus, un combat en chacun de nous et dans la société contre la nocence, soit que celle-ci se manifeste à l’égard des personnes ou des groupes, soit qu’elle sévisse contre la nature ou les éléments divers, meubles ou immeubles, collectifs ou privés, du cadre de vie. »

M. Camus fut candidat à la candidature pour l’élection présidentielle en France.

2.-           M. Moix, le prévenu, est chroniqueur de l’émission de télévision « On n’est pas couché », laquelle est diffusée le samedi soir aux alentours de onze heures du soir sur France 2.

L’émission au cours de laquelle le prévenu a proféré des accusations diffamatoires a été diffusée le 3 juin 2017 et la séquence pertinente est celle au cours de laquelle M. Moix interpelle M. Consigny, invité de l’émission dans le cadre de la promotion de son dernier livre, à partir de la 169e minute[2].

3.-           Accusation diffamatoire de « écrivain antisémite ». Ainsi M. Moix va-t-il se permettre de tenir des propos parfaitement diffamatoires, comme suit :

M. Moix –           « (…) L’affaire Renaud Camus, on la rappelle aux téléspectateurs : c’est un écrivain, [grimace] un petit peu misanthrope, assez antisémite, qui avait…vous dites…

M. Consigny –   Il n’est pas antisémite.

4.-           Eléments de contexte : animosité personnelle et volonté manifeste de nuire de M. Moix à l’égard du plaignant. Ces propos ont de surcroît été tenus dans un contexte où M. Moix exprime à de nombreuses reprises toute l’animosité qui est la sienne à l’encontre du plaignant, multipliant les qualificatifs péjoratifs.

 

A le suivre, il faudrait croire que M. Camus est « médiocre », « très mauvais », « mauvais styliste », indigne d’intérêt…etc :

« Il y a aussi des coming out…c’est vrai qu’on vit dans une époque où dire qu’on aime Alain Finkielkraut, tout d’un coup, on passe pour un méchant. Mais il y a quand même – alors j’accepte que vous puissiez casser des écrivains qui sont assez talentueux comme Emmanuel Carrère…on a le droit… »

« (…) vous aimez Renaud Camus qui en plus d’être – excusez-moi – un très mauvais écrivain à mon avis, un mauvais styliste »

Cet abus de répétitions ou ce ressassement du même propos révèle à tout le moins une idée fixe, une hargne constante dans le chef de M. Moix et une volonté de détruire ou de nuire.

Ceci étant, se croire autorisé à accuser aussi explicitement le plaignant d’être un « écrivain antisémite » atteint inévitablement son honneur et sa considération et ce d’autant plus que cette accusation est proférée à une heure de grande audience et dans le cadre d’une émission très populaire.

Mais il y a plus.

En effet, dès les premiers instants de la séquence, le prévenu va clairement faire comprendre à M. Consigny qu’il est interdit de facto de parler de M. Camus et de lui reconnaître le moindre talent, M. Moix se plaçant pour ce faire sur le terrain de ses propres valeurs morales et de sa propre subjectivité. Le prévenu formule son grief comme suit :

« je vous sens…peut-être…outrepasser certaines bornes. Voilà. Vous dites…euh…vous parlez de Renaud Camus. »[3]

Le plaignant se trouverait manifestement, à en croire le prévenu, au-delà de « certaines bornes », bornes fixées unilatéralement ce dernier dans l’unique but de nuire au plaignant.

Il est important de souligner que sur le plateau de l’émission du 3 juin 2017, le prévenu s’oppose à l’ouverture d’une discussion avec son invité sur les talents et mérites de M. Camus, alors qu’il s’agit du principe même de cette émission, et que M. Camus est cité dans le dernier livre de M. Consigny et que ce dernier paraît lui trouver quelque intérêt.

M.  Moix finit d’ailleurs par le reconnaître : pour lui, M. Camus est un objet de « baston » :

« puisque on est là aussi pour se bastonner un petit peu »

Il n’est pas, ni lui ni son œuvre, un sujet de discussion, ni de dispute, ni un thème, une idée politique ou philosophique. C’est l’homme, M. Camus, que M. Moix veut traiter comme une chose : l’objet de la baston.

D’autre part, il convient de souligner qu’un autre élément de contexte paraît aggraver la diffamation commise. C’est l’aisance, l’assurance et la facilité inédites avec lesquelles M. Moix se permet d’accuser et d’humilier le plaignant, comme s’il jouissait d’un blanc-seing en la matière lui assurant sur une chaîne du Service public une manière d’impunité s’agissant de M. Camus.

5.-           Par une lettre du 14 juin 2017, M. Moix est formellement mis en demeure notamment de retirer son accusation diffamatoire[4].

Aucune réponse n’est apportée à cette lettre.

C’est dans ce contexte que le Tribunal de céans a été saisi.

II.-

DES ELEMENTS DE L’ŒUVRE DE M. CAMUS :

INCOMPATIBILITE AVEC TOUTE IDEE D’« ANTISEMITISME »

6.-           Aux antipodes de tout « antisémitisme ». Éléments de l’œuvre. L’accusation d’« antisémitisme », outre le fait qu’elle est diffamatoire aux regards des critères légaux et jurisprudentiels, est pour M. Camus particulièrement infamante et à rebours de toute son œuvre.

Démontrer que M. Camus n’est pas antisémite est sans doute nécessaire à ce stade des choses mais c’est insuffisant, attendu qu’il existe une véritable incompatibilité entre la pensée et l’œuvre du plaignant et toute idée d’antisémitisme. C’est cette incompatibilité qui sera au cœur de la démonstration qui suit.

7.-           Plan. Ainsi dès 1997, le plaignant publiait le « Discours de Flaran (Sur l’art contemporain en général et sur la collection de Plieux en particulier) » ; en 2000, il publiait « Nightsound (sur Josef Albers) suivi de Six Prayers ». Il existe une profonde unité entre ces deux essais puisque M. Camus y est presque entièrement happé par une seule préoccupation : comment l’art a-t-il pu trouver un sens, un souffle, poursuivre, répondre, persévérer, renaître, vivre ou re-vivre après Auschwitz ? Les deux essais que M. Camus consacre à cette question ruinent purement et simplement toute accusation d’« antisémitisme » (1 et 2).

Il conviendra ensuite d’exposer « l’affaire Camus » qui éclata en 2000, dans ses principales lignes (3).

Témoignant enfin de la profondeur du traumatisme qu’est pour lui la Shoah, M. Camus est engagé dans une conversation avec M. Alain Finkielkraut sur le sens de la Shoah, les termes de cette conversation achevant de prouver qu’il est matériellement impossible de le considérer comme un « antisémite » à moins de vouloir lui nuire méchamment (4).

1. –

Sur le « Discours de Flaran »[5] :

Auschwitz, « le plus grand des désastres »

8.-           Cet essai est le premier moment pour ainsi dire de la pensée camusienne sur ce chapitre ; premier moment témoignant de la profondeur de l’ancrage des questions relatives à Auschwitz et à la Shoah, dans la pensée camusienne.  

Il faut souligner le contexte de la publication de cet ouvrage puisque, en 1997, M. Camus n’est qu’un écrivain : il n’a pas encore fondé son parti politique, il est épargné par les médias ; les critiques dont il est l’objet sont essentiellement littéraires et il est considéré comme l’un des écrivains vivants les plus importants.

9.-           « Le discours de Flaran » en vient très vite à la question d’Adorno, paradigme unique de tout cet essai :

« Il faut remonter au désastre. Ce n’est pas bien difficile, car le désastre a nombre de visages, et le temps passerait-il sur lui que pourtant il ne serait jamais loin. Mais il faut remonter au plus grand des désastres. Il faut remonter à la question d’Adorno – que vous me pardonnerez de rappeler encore une fois, alors qu’elle est si souvent convoquée – sur la possibilité d’écrire encore des poèmes, après Auschwitz. (…)

Si la poésie est inadmissible ou put paraître telle, après les camps de la mort, c’est que toute parole est passée par la bouche des bourreaux. C’est que toute idée de la beauté classique, ou toute idée classique de la beauté, fut aussi leur idée, et aussi leur beauté. (…) C’est que notre humanité – voici l’inhabitable, pour la pensée, et ce qui la rend impensable – est la même que la leur {les bourreaux, les nazis, les tueurs de Juifs} »[6]

10.-          Il convient d’attirer l’attention du Tribunal de céans sur cette première question, directement adressée à M. Moix :

question 1.       si M. Camus était « antisémite » ou « assez antisémite » (quod non) comme le prévenu se permet de le proférer, pourquoi qualifierait-il Auschwitz de « plus grand des désastres » ? et pourquoi s’appesantirait-il sur les « bourreaux » nazis ? Auschwitz n’est pas, pour les antisémites, le « plus grand des désastres », les chambres à gaz étant tantôt contestées dans leur existence, tantôt amoindries dans leurs dévastatrices et cruelles conséquences.

11.-          Poursuivant sa réflexion, pour tenter d’apporter une réponse à la question d’Adorno sur la possibilité d’un art après « le plus grand des désastres » (Auschwitz), M. Camus choisit ensuite de s’inscrire dans le sillage de M. Frederic Matys Thursz, « artiste américain d’origine biélorusse, né français, au Maroc, au sein d’une famille juive » :

« Comment produire encore de l’art, quand par décence on ne veut plus rien dire, plus rien vouloir, plus rien montrer ? Comment produire encore du sens, quand tous les moyens du sens vous répugnent ?

J’ai choisi de mettre en avant, ici, la réponse infiniment délicate (…) d’un artiste qui est peut-être le moins connu, le plus anonyme, (…). Les questions que nous venons d’évoquer, Frederic Matys Thursz, artiste américain d’origine biélorusse, né français, au Maroc, au sein d’une famille juive, les complique, les enrichit et les aggraves par un télescopage d’ailleurs bien prévisible avec la grande tradition hébraïque, qui interdit la figuration du vivanttradition dont il faudra bien un jour, entre parenthèse, analyser précisément le rôle dans l’élaboration du grand mouvement abstrait du XXe siècle, dont elle constitue, avec Mark Rothko, avec Robert Ryman, un des courants les plus féconds, les plus profondément fondés en âme. »[7]

12.-          Là encore on pourrait s’interroger à bien des égards, reprenant les propos incriminés du prévenu, et poursuivre ainsi nos questions à l’attention de ce dernier :

question 2.       s’il devait être considéré comme M. Moix voudrait qu’il le soit, c’est-à-dire comme un « antisémite » (quod non), pourquoi M. Camus s’échinerait-il à reconnaître qu’il existe une « décence » à ne plus vouloir faire de l’art après que les nazis y soient passés ? pourquoi témoignerait-il de la « répugnance » qu’il y a, à se servir d’un biais (la parole, l’écriture, la musique ou la peinture) dont les nazis se sont aussi servis ?

question 3.       pourquoi un « antisémite » pour reprendre encore le propos diffamatoire du prévenu, reconnaitrait-il à une tradition juive un rôle dans le mouvement abstrait du XXe siècle ? Les « antisémites » trouveraient-ils quelques mérites aux juifs dans la construction des choses les plus hautes, à savoir les mouvements composant ou faisant un siècle ?

question 4.       pourquoi un « antisémite », à suivre M. Moix, accepterait-il de reconnaître à la tradition hébraïque tout à la fois sa « grandeur » et son « profond fondement en âme » ?

13.-          La conclusion de l’essai de M. Camus pourrait n’avoir aucune importance dans le cadre des présentes conclusions s’il n’y avait, au terme de cette réflexion, une nouvelle image empruntée par ce dernier au rabbin Nahman de Braslav, celle du « Livre brûlé ». Ce rabbin avait en effet décidé de brûler le manuscrit d’un de ses livres en 1808 posant alors, selon un autre rabbin, la question philosophique suivante : « ne faut-il pas « détruire » les livres pour donner naissance à la pensée, pour créer le renouvellement du sens ? Pour que la fidélité aux écritures ne se pétrifie pas en refus aveugle du temps et de l’Histoire ? »[8]. Il convient ici de citer un dernier extrait du Discours de Flaran :

« Le Livre brûlé : ainsi le rabbin Ouaknin appelle-t-il le Talmud. Et Frederic Matys Thursz : « Dans l’atelier tout a une histoire, je garde tout, et quand je gâche un tableau je le racle avec un couteau et je fais encore de la peinture avec la peinture que j’enlève du tableau. Alors pour moi l’histoire de ma vie c’est cette matière, c’est quelque chose qui a l’air de cendres, de quelque chose qui brûle. »

Le sens est comme le phénix : il renaît éternellement de ses cendres. De plus il a horreur du vide. De sa propre consomption il se recrée, il fait sens, il fait œuvre, il fait art. (…) 

« La sempiternelle souffrance a autant le droit à l’expression que le torturé celui de hurler. » Quelle conclusion en tire Adorno lui-même, dans son œuvre majeure, vingt ans plus tard ? « C’est pourquoi il pourrait bien avoir été faux d’affirmer qu’après Auschwitz il n’est plus possible d’écrire des poèmes… » »[9]

14.-          Autre question à l’attention du prévenu :

question 5.       pourquoi un « antisémite », à suivre M. Moix, reconnaîtrait-il aux juifs, à ceux qui ont subi Auschwitz un sempiternel droit à l’expression ? Pis encore pour un « antisémite », pourquoi reconnaître aux juifs une « souffrance » qualifiée « sempiternelle » ou éternelle ?

15.-          On le voit d’ores et déjà : non seulement M. Camus n’est pas « antisémite » et ne l’a jamais été, mais il y a dans la diffamation commise par le prévenu une dimension spécialement offensante, spécialement incompatible avec les réflexions et essais publiés par le plaignant, et lourdement préjudiciable.

Il y a plus.

2. –

Sur « Nightsound » :

Mutité et bouleversements après Auschwitz

16.-          Nightsound[10] poursuit la réflexion de M. Camus sur l’art contemporain en la maintenant dans un exercice plus long que celui qui fut au cœur du Discours de Flaran, sous la lumière de la question d’Adorno.

D’autres œuvres sont, cette fois, commentées dans cet essai, dont les Six Prayers d’Anni Albers, « commandées à l’artiste en mémoire des victimes juives des camps de concentration »[11] :

« C’est une œuvre bouleversante précisément parce qu’elle n’est pas bouleversante, parce qu’en aucune façon elle n’essaie de bouleverser, ni d’exprimer un bouleversement. Elle est d’un calme stupéfiant, au contraire – on n’ose parler de sérénité. Son caractère pathétique est suffisamment impliqué par son titre, par son thème, par ce que l’on sait des circonstances de la commande et de la qualité du commanditaire. Elle s’estime exemptée d’avoir à signifier – à signifier l’horreur, en l’occurrence. Elle dresse ses six panneaux dans un après presque inimaginable, et qui pourtant est bel et bien celui que nous vivons, et que nous ne ressentons jamais si fort qu’en face d’elle. Elle n’est pas une absence de sens, non, mais un foisonnement tranquille de significations innombrables et muettes, de voies écrasées, de fils perdus, de destins en cendres. Pur silence, parole ravissante et ravie, raptée, harmonie tue. Une aporie tenue, musica callada.

Les Six Prayers dans leur mutité disent quelque chose, j’en ai la conviction, non seulement de l’indicible et de l’innommable, mais des Hommages au Carré, de l’art de Josef Albers en général, et des propres rapports de cet artiste-là avec l’innommable en ses deux acceptions contradictoires, également formidables, la monstruosité absolue et Dieu. »[12]

« Je tiens aussi les Six Prayers pour l’une des plus belles, l’une des plus intelligentes, l’une des plus pudiques certainement et l’une des plus intenses réponses de l’art, tout medium confondu, à la question éternellement récurrente d’Adorno sur ce qui peut encore être produit, en fait de « poésie », après Auschwitz.

Bien entendu la réponse est rien. Mais nous avons la chance, en français, que rien, de même que personne, soit un des mots les plus ambigus de la langue, un de ceux qui se creusent le mieux sur leur contraire. A lui seul, dans une phrase, il n’est pas entièrement négatif. Rien c’est aucune parole, en l’occurrence, ce n’est aucune image, ce n’est nulle musique et pourtant ce n’est pas le néant. »[13]

17.-          Tout le sens de l’art, « tout medium confondu », dépend de la question d’Adorno. Tout est différent après Auschwitz, toute production humaine est différente après la « plus criminelle catastrophe de l’humanité »[14] : il faut chercher et poursuivre la manière dont l’art a persévéré après Auschwitz, tenter de saisir le sens nouveau déployé, comprendre le « rien » qui irrigue tout l’art contemporain, non comme un néant mais comme l’expression de quelque chose d’indicible, une atrocité qui ne se dit pas, ne se formule pas, ne se peint pas. Ce « rien » est « horreur, en l’occurrence », il est « destins en cendres », « parole ravissante et ravie, raptée », « indicible », « innommable ». Il est « monstruosité absolue ». Il faut, selon M. Camus, continuer cette tentative en convoquant, ce que M. Camus fait dans le Discours de Flaran et dans Nightsound, la tradition juive elle-même, « l’interdit thoraïque sur la représentation du vivant » et noter que :

« L’horreur absolue et l’impossibilité de parler qu’elle entraîne, de chanter, de figurer, de dire, amène tout art à se renier lui-même, à se dépouiller de ses signes, à chercher dans sa négation son essence, et son être au sein du non-être. (…)

Face à l’atrocité inimaginable et pourtant trop réelle, à l’épouvante de l’Histoire, au past-ure – cette torture du passé, du passé toujours trop récent et à jamais présent –, le sens se renie, s’abdique, et passe à tout instant au revers de lui-même.

Tout art, de la même façon, sensible encore une fois, serait-ce inconsciemment, à la remarque d’Adorno, éprouve la tentation de se quitter, sans se résoudre à n’être plus du tout.

La poésie renonce le discours, l’enseignement, le commentaire, la phrase. Elle paraît n’aspirer plus, comme chez Celan, qu’à la profération suspendue, au miroitement d’un laps sur le vide, voire au silence.

La figuration s’abstrait d’elle-même, et l’abstraction, se jugeant encore trop, paraît annoncer : je dirai même moins. »[15]

18.-          Comme nous l’exposerons plus bas, « l’affaire Camus », contemporaine à la publication de Nightsound par le plaignant, donnera lieu à plusieurs prises de position, dont celle de M. Nicholas Fox Weber, Directeur de la Fondation Josef et Anni Albers, dont les œuvres sont au cœur de l’essai de M. Camus. Voici ce qu’il écrira dans un article paru dans Le Monde en mai 2000[16] :

« (…) Je suis le directeur de la Fondation Josef et Anni Albers aux Etats-Unis. Les Albers ont été l’un et l’autre des victimes du nazisme. Lorsque la Gestapo a fermé les portes du Bauhaus en 1933, leur vie a été mise en pièces, et ils ont été contraints à l’exil. Renaud Camus a fait plus pour soutenir l’art de Josef et d’Anni Albers que n’importe qui en France. Il a organisé au château de Plieux une exposition majeure des œuvres de Josef Albers et il vient d’écrire une magnifique et très personnelle méditation, Nightsound, sur le travail de cet artiste.

Lors de la rétrospective consacrée l’an dernier à Anni Albers au musée des Arts décoratifs à Paris, c’est un essai de Camus sur le chef-d’œuvre d’Anni, Six Prayers, qui accompagnait le catalogue. Six Prayers est l’hommage d’Anni Albers aux six millions de victimes de l’Holocauste. Lorsque Camus vit pour la première fois ces tapisseries lors d’une exposition à la Foundation Peggy Guggenheim à Venise, il déclara que c’était là l’une de plus bouleversantes découvertes artistiques de son existence. Son essai sur les Six Prayers traite de cette oeuvre d’art en toute sa hauteur et sa gravité, comme le témoignage qu’elle est sur les horreurs des camps de concentration.

Mais qu’aurait-on pu attendre d’autre de Renaud Camus ? Au château de Plieux il a travaillé étroitement avec Christian Boltanski, un autre artiste qui a trouvé l’un des modes les plus imaginatifs et efficaces d’inscrire l’inconcevable dans la mémoire des hommes. Bien loin d’être un antisémite comme on veut nous le faire croire, Renaud Camus a été l’unes voix les plus significatives dans le combat pour la reconnaissance des horreurs de l’antisémitisme. Qu’on lise seulement à ce propos le superbe Discours de Flaran, "sur l’art contemporain en général et la collection de Plieux en particulier" !

D’autant plus choquant dans ces conditions le retrait officiel, par le Département de français de Yale, du soutien au colloque qui vient de se tenir en cette université autour de l’oeuvre de Renaud Camus. Comme il est ironique et douloureux que Camus serve de victime expiatoire, qu’il soit le Dreyfus de l’année, et que soit perpétrée précisément contre lui, pour le salir, une entreprise comparable aux pires pratiques antisémites ! »

19.-          La question qu’il conviendrait de poser au prévenu est plus simple encore que les précédentes :

question 6.       sont-ce là les propos, les pensées et l’œuvre d’un « antisémite » ?

Au contraire de la diffamation proférée par M. Moix avec une aisance si facile, si visible, il ressort de ce qui précède qu’il y a une incompatibilité radicale entre M. Camus d’un côté et l’antisémitisme.

3. –

Sur « L’affaire Camus » 

20.-          « Hystérie accusatrice »[17]. Ce qui est désormais connu sous le nom de « l’affaire Camus » aurait n’exister jamais : cette « affaire » n’a fait l’objet d’aucun procès, c’est une « affaire médiatique » de part en part, de son déchaînement à sa disparition. Une « affaire médiatique » : une affaire dont le déroulement a intégralement été régi par les règles médiatiques du scandale : le scandale, une fois lancé, a lui-même fait scandale. Ses ressorts sont connus : un groupe d’auteurs revendiqués (journalistes et écrivains) découpe quelques mots tirés d’une phrase, quelques extraits tirés d’une page, les arrangent ensemble pour en donner les apparences de l’antisémitisme : tout est scandale à partir de là, la signature de celui qui signe la pétition pour nuire à M. Camus, celle de celui qui refuse de signer, la posture de celui qui ne signe pas, et celle de celui qui s’insurge de la malhonnêteté du procédé.

Il convient de souligner que la plupart des critiques et diffamateurs de M. Camus ne l’ont pas lu, fondant leurs attaques et diffamations sur des coupures du presse (!) ; en tant que tels, ils sont des « non-lecteurs »[18] de ce dernier…

« L’affaire Camus » n’aura finalement eu aucune suite judiciaire : elle ne fut qu’une longue inquisition destinée à tenter de statuer sur la réputation et l’honneur d’un auteur. En vain. M. Camus n’est pas considéré comme un antisémite et l’accuser comme le fait le prévenu est diffamatoire.

21.-          Eléments de fait : « l’affaire Camus ». Il serait probablement disproportionné d’entrer dans les détails de cette « affaire » puisqu’elle a donné lieu à presque deux cents articles de presse et études. Deux éléments de fait méritent néanmoins d’être rapportés pour la bonne compréhension de cette « affaire » : les quelques lignes tirées de la Campagne de France, Journal tenu par le plaignant au cours de l’année 1994 et publié en 2000, qui furent utilisées pour lancer « l’affaire Camus » d’une part et d’autre part, les explications apportées par le plaignant lui-même au cœur de cette « affaire ».

22.-          Les lignes du Journal au cœur de « l’affaire ». Voici les lignes qui furent au cœur de « l’affaire Camus » :

« [1] Les collaborateurs juifs du Panorama de France Culture exagèrent un peu, tout de même : d’une part ils sont à peu près quatre sur cinq à chaque émission, ou quatre sur six, ou cinq sur sept, ce qui, sur un poste national et presque officiel, constitue une nette surreprésentation d’un groupe ethnique ou religieux donné ; d’autre part, ils font en sorte qu’une émission par semaine au moins soit consacrée à la culture juive, à la religion juive, à des écrivains juifs, à l’État d’Israël et à sa politique, à la vie des juifs en France et de par le monde, aujourd’hui ou à travers les siècles (…) [2] La pensée juive est certes tout à fait passionnante, en général ; mais elle n’est pas au cœur de la culture française. [3] – Ou bien si. [4] Un doute me prend : l’Ancien Testament est certainement aussi « central » à la culture française, sinon plus, que L’Iliade et L’Odyssée. [5] Spinoza est aussi essentiel à notre pensée politique, morale, métaphysique, que Hobbes ou que Leibniz, et certainement plus que Malebranche. [6] Bergson est au cœur, oui, de la philosophie de son temps dans notre pays. [7] Ne parlons pas de Proust, qui, lui, serait bien près de l’épicentre. [8] Donc… [9] (Reste à savoir si Proust relève de la « pensée juive »… [10] Et même Bergson. [11] Mais on doit pouvoir se poser la question.) »[19]

23.-          Il convient d’emblée de faire les précisions suivantes :

-           sur la religion juive des journalistes en question : on a cru pouvoir reprocher au plaignant de faire des recherches sur la religion de tel ou tel, ce qui est tout à la fois odieux et parfaitement faux : « Et que les journalistes en question soient juifs, c’est eux qui le soulignaient souvent, il va sans dire, ce n’est pas moi. » ;

-           il convient de souligner que les opposants de M. Camus ne se servirent que de la première et de la seconde phrase – jamais ils ne tinrent compte des suivantes qui, si elles sont simplement lues, apportent des précisions ruinant tout accusation d’antisémitisme….

24.-          La critique (qui n’en est pas vraiment une) de M. Camus n’a qu’un seul objet : la communautarisation d’une émission se présentant comme étant de culture générale. C’est le seul grief fait à des animateurs ou journalistes : traiter de sujet à connotation juive dans le cadre d’une émission qui aurait dû se caractériser par une diversité des sujets ou par le traitement de sujets d’intérêt général, ces derniers recouvrant les premiers.

La prudence avec laquelle M. Camus fait sa critique est difficilement contestable puisque, à peine l’a-t-il formulée qu’il revient sur son propos : il y a communautarisation, note-t-il, puisqu’on parle de sujets relatifs au judaïsme ou aux juifs dans le monde ou à l’Etat d’Israël, mais peut-on vraiment parler de « communautarisation » quand la communauté juive est une part intégrante de la culture générale, de la culture française ? L’exemple des bretons que le plaignant prendra dans un article ultérieur est pertinent dans cette perspective : il ne viendrait pas à l’idée d’accuser de racisme anti-breton, quelqu’un qui se serait borné à dire que des présentateurs bretons exagèrent à ne parler que de Bretagne (cinq fois sur six) alors que leur émission se présente comme une émission de culture générale. La Bretagne et la culture bretonne sont une part intégrante de la culture française pourtant… et il y aurait alors lieu de s’interroger et de se consoler en relativisant (exactement comme le fit M. Camus en l’espèce) : parler de culture bretonne n’est peut-être pas, en définitive, communautariser une émission de culture générale, puisque la Bretagne, c’est la France.

Cette manière de formuler et présenter les choses, de les nuancer et de revenir sur leur premier aspect ôte en réalité une grande partie de la dimension critique : le plaignant ne critique pas, pour être précis, il ne laisse pas indemne sa « critique » dans sa première présentation, puisqu’il y revient, il s’interroge sur la pertinence d’une émission présentée comme étant de culture générale et qui traiterait pour une large part d’un seul thème.

25.-          En tout état de cause, une simple & attentive lecture rend l’accusation d’« antisémitisme » matériellement impossible pour une raison objective : M. Camus expose dans un même extrait une objection (celle de la culture juive comme élément de la culture française) parfaitement incompatible avec tout antisémitisme.

On ne peut pas, pour le dire autrement, tout à la fois être antisémite et en même temps considérer (i) que l’Ancien Testament occupe une place peut-être plus centrale que celle de L’Iliade et L’Odyssée, (ii) que Bergson est au cœur de la philosophie de son temps en France et (iii) que Proust est très près de l’épicentre de la culture française (faut-il d’ailleurs être dupe à ce point pour oublier à quel point Bergson et Proust sont, parmi les obsessions antisémites, les marqueurs les plus constants, qu’ils sont par principe abhorrés dans tous les milieux antisémites, sans même avoir été lus, détestés pour ce qu’ils sont ?).

question 7.       peut-on sérieusement être accusé d’« antisémitisme » et considérer l’Ancien Testament comme central dans la culture française, les œuvres des principaux penseurs et écrivains juifs comme centrales dans cette culture ?

26.-          Il faut ensuite rappeler que cet extrait est tiré du Journal de M. Camus, exercice littéraire particulier où l’auteur place sa littérature sous un seul un paradigme, celui de la vérité. C’est d’ailleurs ce que le plaignant expliquera dans un article publié au Figaro du 7 juin 2000[20] :

« Dans mon journal  de 1994, La Campagne de France, publié ce printemps chez Fayard, j’ai écrit cette phrase : « Les collaborateurs juifs du "Panorama" de France-Culture exagèrent un peu, tout de même. » Je leur reprochais d’avoir tendance, certains jours, à transformer une (excellente) émission culturelle généraliste en une (très bonne) émission presque "communautaire".

Mince reproche, on en conviendra. Il suffit de se livrer à une petite transposition : « Les collaborateurs bretons de "Maritima" exagèrent un peu, tout de même » (à diffuser constamment des documentaires sur la Bretagne). Dans la phrase incriminée de mon journal, changez l’adjectif, il n’y a plus d’"affaire Camus".

Si je puis être un peu technique un instant, il s’agit de savoir si parmi les pages d’un journal intime on parle dans la dénotation (le sens officiel, celui des dictionnaires) ou bien dans la connotation (le sens parasite, les allusions, l’épaisseur historique des mots). Ainsi des participants réguliers d’une émission de radio, on dit qu’il en sont les collaborateurs. C’est la dénotation. Mais le mot connote mal. Je m’en suis insuffisamment avisé, parce que rien n’était plus éloigné de ma pensée que le lourd passé de ce terme. Cependant, si l’on exige de nous que nous parlions, écrivions et vivions exclusivement dans la connotation, on ne peut plus faire de cure à Vichy, ni aimer la campagne de France car depuis que « la terre, elle, ne ment pas », elle est devenue très suspecte.

S’agissant de l’adjectif juif le débat entre le sens immédiat, ordinaire, et le sens impliqué, supposé, présupposé, est un millier de fois plus vif - six millions de fois plus vif, plus à vif, plus douloureux, plus grave. Plus impossible peut-être ? C’est bien ce que semble établir cette malheureuse affaire : pour des raisons évidentes, épouvantables entre toutes, l’adjectif juif n’a pas de sens ordinaire. Il ne peut pas être manié comme un autre mot.

Reste à se demander s’il ne serait pas mieux qu’il puisse l’être, quelquefois. Mieux pour nous tous ? Pour l’harmonie de la vie civique ? Aux Etats-Unis - plus éloignés que nous, il est vrai, de l’horreur concentrationnaire et de sa présence intangible - cette étape a été franchie, sans dommage pour la paix sociale. Dans une certaine mesure, juif est là-bas un mot comme les autres.

Ce n’est pas le cas parmi nous. Et j’en suis si conscient qu’à peine l’ayant écrit je me suis demandé quel droit j’avais de le faire ; et si je ne serai pas un peu antisémite, par hasard, pour tenir à parler si librement des juifs, ou de journalistes juifs. C’est une question que bien de gens devraient se poser, peut-être, pour faire la toilette en eux-mêmes.

Rien n’est fastidieux comme ces journaux intimes, à mon avis, où l’auteur se présente toujours sous le meilleur jour, et ne fait étalage que de ses vertus. Le mien procède plutôt d’un scrupule généralisé, d’un raclage de tous les coins d’ombre. Ce n’est pas toujours très savoureux. Et  c’est souvent assez dangereux. Mais dangereux avant tout pour moi - la preuve.

Dans une telle entreprise le sens est en errance, en tâtonnement perpétuel. Qu’un adversaire choisisse d’en arrêter le cours, par le biais de la citation tronquée, voilà ma perte assurée. Exemple : « La pensée juive est certes tout à fait passionnante, en général, mais elle n’est pas au coeur de la culture française ». Un critique cite cela dans un journal du soir, et commente, parlant de moi : « - annulant d’avance toute dénégation, toute contradiction. »  C’est même ainsi que se termine son article, en forme de pierre tombale. Tandis que mon texte à moi continue aussitôt : « Ou bien si ? Un doute me prend  : l’Ancien Testament est certainement aussi "central" à la culture française, sinon plus, que L’Iliade et que L’Odyssée. Spinoza est aussi essentiel à notre pensée politique, morale, métaphysique, que Hobbes et que Leibniz, et certainement plus que Malebranche. Bergson est au coeur, oui, de la philosophie de son temps dans notre pays. Ne parlons pas de Proust, qui lui serait bien près de l’épicentre. »

Par des manipulations de cette sorte s’explique un phénomène curieux. La presse a convaincu des centaines de milliers de Français que j’étais un monstre antisémite. Il n’y qu’un groupe solide pour n’en croire pas un mot, et pour croire même tout le contraire : mes deux ou trois mille lecteurs réguliers. A l’appui de leur conviction ils peuvent arguer de centaines de pages, non pas de quelques lignes arrachées de leur contexte. »

27.-          A cette aune, l’on est encore aujourd’hui en droit d’interroger le prévenu :

question 8.       La lutte contre l’antisémitisme serait-elle si peu spécifique, aurait-elle un objet si vaste qu’elle permît à n’importe qui d’accuser d’« antisémitisme » un écrivain qui s’interroge sur la communautarisation d’une émission de culture générale, ALORS QUE simultanément ce même écrivain reconnaît que la communauté juive est une part de la culture française, ALORS QU’il reconnaît depuis toujours le fondement en âme et la grandeur de la tradition juive, ALORS QU’il n’a jamais parlé d’Auschwitz et de la Shoah autrement qu’en termes d’horreur, d’épouvante et d’unicité du crime commis et ALORS QU’il a déjà fourni « mille preuves d’intérêt pour la culture juive, de sympathie pour le peuple juif et de respect pour la douleur juive » ?

Mais il y a plus.

28.-          Trois éclairages sur « l’affaire Camus ». En effet, le recul dont nous disposons par rapport à cette « affaire » permet encore de retenir et d’exposer deux catégories de considérations à ce sujet :

-           la première est celle des protagonistes pour ainsi dire du scandale : parmi ceux qui ont accusé M. Camus en 2000 et parmi ceux l’ont soutenu, certains ont probablement un mérite particulier ou un avantage concurrentiel, celui d’avoir attendu avant de prendre position, d’avoir laissé la tempête s’évanouir avant de rendre publiques leurs opinions et d’avoir ainsi laissé le temps passer sur leurs délibérations. Nous donnerons deux exemples de cette nature (a) ;

-           la seconde catégorie de considérations est celle qui regroupe les pensées de M. Camus, celles qui furent les siennes et qu’il tint au jour le jour dans son Journal : elles montrent largement l’incompatibilité de la pensée de ce dernier avec tout antisémitisme d’une part et d’autre part, la souffrance d’un homme calomnié et diffamé intensément pendant plus de six mois de scandale (b).

a)                Les dernières conclusions au sujet de « l’affaire Camus »

29.-          Deux années après « l’affaire Camus », M. Camus publiait un essai, « Du sens »[21], ou il revenait sur cette « affaire ». La publication de cet essai et sa critique ont été l’occasion pour quelques journalistes et écrivains de revenir sur « l’affaire Camus » dans des conditions plus apaisées.

Le journal Libération fut la tribune de quelques uns des plus farouches opposants à M. Camus, laissant ce dernier en pâture à de violentes invectives et opérant un brutal revirement puisque, longtemps considéré comme l’un des écrivains français vivants les plus importants, il fut soudainement qualifié dans les mêmes colonnes de « cynique médiocre » ou de « petit damoiseau de la littérature française »[22].

30.-          Ce même journal publia pourtant en 2002, soit deux années après « l’affaire Camus », une tribune de M. Pierre Marcelle[23], journaliste et écrivain, contenant une nouvelle conclusion, particulièrement importante dans l’évolution de cette affaire, témoignant des dimensions primesautière et hâtive de l’acharnement médiatique de l’année 2000 contre le plaignant. Ce document est d’autant plus déterminant qu’il a été publié par Libération ; il convient de le rapporter intégralement :

Persistant Camus

Par Pierre Marcelle — 10 juin 2002 à 23:52

Deux ans après, que reste-t-il de «l’affaire Renaud Camus», du nom de l’écrivain subtil et prolixe autour duquel s’orchestra, au printemps 2000, un fracas formidable ? Des accusations ­ graves ­ d’antisémitisme et de racisme, suscitées par la Campagne de France, titre de son journal de l’année 1994, il reste peu de chose... Le temps journalistique se situant, conflictuellement, à l’absolu opposé du temps littéraire, Camus poursuit en solitaire, dans Du sens (1), son infini entretien avec lui-même, entamé bien avant la polémique qui affola les pages dévolues aux polémiques ; à défaut de débattre, il se débat seul pour traquer et disséquer impitoyablement les non-dits de ses dits, dans une intime herméneutique dont la tenue a peu à voir avec un plaidoyer pro domo. Quant à ses médiatisés détracteurs, ils sont ailleurs, occupés, semble-t-il, à d’autres vanités (« l’affaire Fallaci », peut-être ?) ­ ce dont nul, et surtout pas Camus, ne saurait leur tenir rigueur, puisque c’est leur métier. Ils ont tranché, mais leur absence aujourd’hui laisse l’arrière-goût amer d’un inachèvement. Un aspect « il ne s’est rien passé » qui en rappelle un autre. En regard et en proportion de la « levée de boucliers » (2) de l’an 2000, la glose qui enveloppa, sur ces questions aussi, les trop bleus lendemains de la nuit du 21 avril, se réduit, faute de retour politique, à un tonitruant silence. L’orage forcit encore, pourtant, mais seul Camus aura été foudroyé. A étudier le dossier tel qu’il se repose sur le papier de Du sens, on se dit que quelque chose est advenu, dans les domaines de la culture et de l’intégrité, qui ne fait honneur ni à l’une, ni à l’autre, et qui porta à conséquences. Des clercs se sont fourvoyés à relayer ­ et, pis encore, à relayer de bonne foi ­ des faux et des fantasmes. On aimerait les entendre aujourd’hui reconsidérer « l’affaire » qu’ils ont faite, puis désertée. En leur souhaitant ce matin, sincèrement, de meilleurs ennemis que Renaud Camus.

(1) (POL, 551 pages, 25 euros.) Fayard publie en écho opportun les volumes des années 1997 et 1998 du journal de Camus : Derniers Jours (422 pages, 23 euros) et Hommage au carré (585 pages, 25 euros).

(2) Lire ce cliché comme Camus ­ en souriant. Avant, lire (enfin) Camus.

31.-          Le constat que faisait M. Marcelle est d’autant plus vrai aujourd’hui : M. Camus n’est pas considéré comme un « écrivain antisémite » ou comme « assez antisémite », sauf à se croire autorisé à le diffamer.

Il ne reste plus rien de cette affaire, (si) peu de choses sinon le souvenir d’une « hystérie accusatrice » et un considérable préjudice pour le plaignant.

32.-          Parmi les soutiens de M. Camus, il est probablement pertinent de se livrer au même exercice et de ne rapporter ici qu’un seul soutien s’étant publiquement exprimé à la même époque que M. Marcelle (cinq jours avant), c’est-à-dire à un moment où il y avait suffisamment de recul pour avoir de « l’affaire Camus » une vision plus sereine. Il s’agit de la tribune de M. Emmanuel Carrère, écrivain, publiée par Le Figaro[24], après avoir été refusée par Libération et Le Monde. Elle est également rapportée ici in extenso :

Tardivement 

Renaud Camus, il y a deux ans, a été accusé de racisme et plus précisément d’antisémitisme. Ces accusations étaient si graves et ses accusateurs si véhéments que sa défense n’a pu alors être entendue. Il l’expose aujourd’hui en détail, calmement, dans un gros et beau livre intitulé Du sens. J’estime sa plaidoirie entièrement convaincante et je pense que, pour tous ceux qui se sont exprimés à charge dans cette affaire, c’est un devoir de conscience de la lire intégralement, en tâchant d’être honnêtes avec eux-mêmes.

Du sens rassemble et discute point par point, ligne à ligne, toutes les pièces du dossier. D’un côté, ce qu’à écrit Renaud Camus dans La Campagne de France et dans d’autres livres. De l’autre ce qu’on a prétendu qu’il avait écrit, ce qu’on a mis sous son nom entre guillemets ou en italiques. Or, j’affirme que ce qu’a écrit Renaud Camus n’encourt, si on veut bien le lire attentivement, aucun des reproches qu’on lui a faits. On est libre de trouver certaines de ses opinions réactionnaires et peu sympathiques, mais racistes ou antisémites, non. J’affirme d’autre part que les citations sur lesquelles on l’a jugé et condamné sont découpées de telle sorte qu’elles déforment complètement ce qu’il a écrit et souvent lui font dire l’exact contraire.

Nous sommes, vous qui me lisez et moi, d’accord pour voir dans l’antisémitisme - pour s’en tenir à lui -  une des expressions les plus parfaites du mal et de la bêtise réunis. La plupart d’entre nous voient ce mal et cette bêtise à l’œuvre chez les autres et, à raison sans doute, s’en estiment absolument exempts. Sur cette question comme sur beaucoup d’autres, Renaud Camus, par goût de la vérité, hygiène mentale et méfiance à l’égard de ce qui va de soi, se demande dans son journal si c’est bien sûr qu’il est tout à fait innocent de ce qu’il réprouve. Si en cherchant bien, en s’examinant sans complaisance, il ne pourrait pas trouver dans un repli de son esprit quelque chose qui aurait partie liée avec ce mal-là, cette bêtise-là. On peut dire que se poser la question, c’est déjà y répondre, et y répondre oui. Je crois précisément le contraire. Je crois que pour se demander avec tant de rigueur intellectuelle et morale si on ne serait pas un peu antisémite "quelque part", il faut vraiment ne pas l’être. Et de fait, à l’issue de cet examen de conscience, Renaud Camus conclut que non, il ne l’est pas. Mais à cet examen il s’est vraiment soumis, ce qui supposait de prendre en compte des opinions déplaisantes et de leur donner une chance de trouver un écho en lui, sans quoi le fait qu’il ne renvoie pas cet écho n’aurait évidemment aucune valeur. En plus, ce n’est pas le genre d’homme à qui, pour se laver de tout soupçon, il suffit d’être certain qu’il ne crierait jamais "Mort aux Juifs" lors d’un banquet néo-nazi : il va chercher plus loin, des formes plus subtiles. C’est cette subtilité qui lui a été fatale. Ce déploiement de scrupules demandait que le lecteur soit scrupuleux aussi. Les journalistes littéraires ont rarement le temps de l’être. Un premier a feuilleté La Campagne de France, est tombé sur des phrases qui avaient efficacement de quoi faire hausser le sourcil, et sans prendre garde au fait qu’elles étaient quelques pages ou quelques lignes plus loin nuancées, critiquées, réfutées quelquefois, s’est dépêché d’écrire que leur auteur était antisémite. D’autres l’ont repris, la rumeur s’est propagée comme celle, il y a peu, de l’avion qui ne se serait pas écrasé sur le Pentagone. On aurait pu penser qu’une simple mise au point, une explication de texte suffiraient à la dissiper, mais l’antisémitisme suscite légitimement une telle répulsion qu’un mensonge, s’il prétend le combattre, ne peut être démenti. Ce qui est stupéfiant et rend l’histoire exemplaire, c’est que face à cette rumeur de plus en plus folle aucun garde-fou n’a fonctionné. Des intellectuels de renom ont signé une pétition sur la base d’un montage de citations indignement truqué. Les amis de Renaud Camus ont fait tout ce qu’ils ont pu pour que simplement on le lise, comptant naïvement sur cette lecture et sur la bonne foi des lecteurs pour mettre fin au cauchemar, mais ses ennemis, de plus en plus nombreux, ne se contentaient pas de refuser de le lire : ils se vantaient de ne l’avoir pas lu. Le même mois que La Campagne de France paraissait un autre livre du même auteur, Nightsound / Six Prayers, qui, à propos de l’œuvre d’Anni Albers, est une magnifique méditation sur l’art après les camps. Ce livre aurait pu être considéré au moins comme une pièce au dossier, une nuance discordante au portrait désormais officiel du nostalgique forcené de Je suis partout, mais non, il ne pouvait même plus être question de l’évoquer.

J’ai parlé d’honnêteté, c’est à moi d’en faire preuve ici. Les amis de Renaud Camus, son cercle de lecteurs fidèles, j’en faisait partie. J’étais donc bien placé pour savoir que les accusations contre lui étaient, j’ai envie de dire odieuses et délirantes, mais le mieux est de s’en tenir à : pas fondées. Absolument pas fondées. J’aurais pu l’écrire publiquement, or je me suis contenté de signer une pétition disant que même si c’était un criminel il fallait pouvoir en juger sur pièces et donc ne pas retirer son livre de la vente - ce qui était nettement moins que le minimum requis par la conscience, pour ne rien dire de l’amitié. Pourquoi n’ai-je pas fait plus ? J’espère pas par lâcheté. Mais si ce n’est pas lâcheté, c’est panurgisme. Quand votre intime conviction, même informée, se heurte à l’intime conviction, même abusée, de pratiquement tout le monde, il faut une force d’âme qui m’a manqué pour qu’elle reste votre intime conviction. On en vient à douter de son propre jugement, à se dire qu’au milieu de cet océan de faux il faut bien qu’il y ait un peu de vrai, disons 0,01% qu’on n’avait pas remarqués. S’agissant d’antisémitisme, 0,01% c’est beaucoup trop, on ne va pas défendre un antisémite à 0,01% même si c’est un ami et un écrivain qu’on admire. On se tait. Deux ans plus tard, on lit Du sens et on se rend à l’évidence. C’était bien ce qu’on pensait avant le grand bourrage de crâne : 0%. Et on s’en veut de n’avoir pas témoigné, on essaie tardivement de se rattraper, c’est pour cela que j’écris cet article.

Assez sur mes scrupules. Ce que je retiens de l’affaire Renaud Camus ne concerne pas seulement l’antisémitisme et le statut dangereux d’un chef d’accusation si grave qu’il n’est même pas permis de s’en disculper. La question est aussi de savoir si la littérature est encore possible. Pas au sens d’une quelconque exemption de responsabilité, bien au contraire, mais au sens où une phrase aurait encore le droit d’être lue à l’intérieur d’un paragraphe, un paragraphe à l’intérieur d’une page, une page à l’intérieur d’un livre. Au sens où la pensée aurait encore le droit d’être complexe, contradictoire, tâtonnante, déployée. Dans ce sens-là, il est clair que la littérature, il y a deux ans, a perdu une bataille historique contre le journalisme qui se caractérise, à son pire, par la hâte, la simplification, la pensée figée. Je ne crois pas exagérer en disant que pour lui donner une seconde chance, à elle et pas seulement à la justice, il faut lire la défense de Renaud Camus et s’exposer au risque de la trouver inattaquable. 

Emmanuel Carrère »

33.-          Ces deux tribunes montrent bien clairement ce qui reste de « l’affaire Camus » : l’absence de toute rigueur, de toute honnêteté intellectuelle des tenants d’une inquisition médiatique ou d’une « hystérie accusatrice » sans précédent, une volonté de détruire un écrivain trahie par le refus catégorique de ne pas tronquer les citations rendues publiques, de se contenter de quelques mots découpés et jetés en pâture hors de leur contexte et par une inexplicable persistance à produire et à ressasser des « faux » et des « fantasmes » au grand détriment de M. Camus.

De cette « affaire », il reste aujourd’hui un étonnant muséum de noms d’auteurs ou « d’intellectuels » ayant condamné, humilié et sali le plaignant sans même l’avoir « lu intégralement », sans même avoir « lu attentivement » :

« Ce qui est stupéfiant et rend l’histoire exemplaire, c’est que face à cette rumeur de plus en plus folle aucun garde-fou n’a fonctionné. Des intellectuels de renom ont signé une pétition sur la base d’un montage de citations indignement truqué. »[25]

« Il reste peu de chose » de cette affaire, comme le rappelle le journal Libération, sinon le préjudice immense subi par le plaignant.

Imagine-t-on le sentiment que l’on peut éprouver après avoir été si durement traîné dans la boue, pour d’inexplicables raisons, avec tant de persévérance et d’acharnement, au moment où l’on se rend compte qu’il ne reste plus rien de toute cette affaire ?

Les leçons de cette « affaire » montrent encore la gravité de la diffamation commise par M. Moix.

34.-          Il faut noter que certains chercheurs ont enfin été jusque bâtir une « sociologie des scandales » depuis quelques dizaines d’années. L’un d’eux, ayant étudié dans ce cadre « l’affaire Camus » à fond presque quinze ans plus tard, parviendra à la conclusion suivante :

« Aussi, s’aventurant à l’étude du phénomène du scandale, le sociologue est-il inévitablement pris dans une contradiction difficile à surmonter qui l’expose à être lui-même scandaleux. S’il ne lui appartient pas de juger de « la frontière entre la critique qui est licite et la diffamation qui usurpe la “majesté d’État” », il lui revient néanmoins la tâche de décrire le processus de la qualification de l’objet scandaleux sans préjuger de la nature ou de la réalité de la faute commise et dénoncée. C’est là une difficulté souvent mentionnée qui place le sociologue, en dépit de ses dénégations, en situation de ne pas pouvoir s’exonérer tout à fait de tout parti pris : en pareille matière, en effet, ne pas statuer, c’est à l’évidence encore un parti pris potentiellement scandaleux. Pour ce qui nous concerne, à défaut de nous prévaloir d’une hypothétique « distance critique » nous mettant, par principe, à l’abri du caractère scandaleux de l’objet, nous entendons au moins revendiquer le bénéfice du regard éloigné : la distance temporelle (plus de dix années se sont écoulées depuis le déclenchement du scandale) qui nous sépare des événements induit une mise en perspective de l’affaire qui participe de son « dépaysement ». Dès lors, il nous paraît possible, à présent, de faire état d’un vice de forme dans la dispute, sans que cela soit de nouveau scandaleux, et en tout cas sans que cela traduise une volonté polémique de notre part. Et ce sera tout le sens de notre analyse que de tâcher de montrer qu’un principe coercitif est en effet à l’œuvre dans le discours des acteurs qui vise, à travers une série limitée mais récurrente de paralogismes, à faire advenir la transgression dans les propos de Renaud Camus comme le produit nécessaire, et quasi-inévitable, d’un ethos particulier de l’écrivain tout à fait discutable. »[26]

35.-          Ce que ce chercheur appelle pudiquement « vice de forme dans la dispute » recouvre en vérité l’ensemble des procédés rhétoriques qui ont fait pour ainsi dire « l’affaire Camus » : malhonnêtetés, déformations de propos, citations sciemment et abusivement tronquées ressassées de journal en journal, contresens grossiers et diffamations en série.

36.-          Pour mesurer la folle volonté de nuire qui s’était emparée de ces journalistes en 2000, il faut un instant se souvenir de ce qu’il ne reste rien de « l’affaire Camus », que toutes ces sentences hâtives ont été formulées par des non-lecteurs de M. Camus et qu’aujourd’hui M. Camus est parmi les invités de l’Association France-Israël[27].

B)               Le Journal de Renaud Camus à la loupe

37.-          L’incompatibilité radicale de la pensée de M. Camus avec tout antisémitisme ressort de l’examen de son œuvre littéraire, de l’analyse de « l’affaire Camus » ; elle émerge tout aussi nettement de son Journal. Il convient d’en citer quelques extraits, parmi le tres grand nombre prouvant cette incompatibilité[28] :

×             1986. Sur l’élection du Président fédéral de la République autrichienne, M. Waldheim : l’« effroyable correctif »

« Mardi 10 juin 1986, 11 heures du matin. (…) L’horrible est qu’eux ne s’en souviennent que trop bien : que Waldheim ait été un officier nazi, qu’il ait été associé de près à des crimes de guerre ou des persécutions antisémites, c’est à se demander s’il ne leur en est pas, du coup, plus sympathique. Toujours est-il donc, qu’il a été dimanche triomphalement élu président de la République autrichienne, avec 54 % des voix. L’Autriche, qui était ces temps-ci l’enfant chéri des nations, surtout depuis la grande exposition sur Vienne à Venise et à Paris, voit sa somptueuse image, faste et intelligence mêlés, subir un effroyable correctif. Grâce à l’hypocrite sagesse de quelques hommes politiques, et à son inépuisable capital de gloire et de génie, elle avait tout à fait réussi son affaire : admirable patrie des Arts et de l’esprit, victime d’un voisin barbare. Ce joli tableau est maintenant tout craquelé. Et ce sont les Autrichiens eux-mêmes, avec un cynisme imbécile, qui viennent de le mettre en morceaux. »

×             2000. Sur « l’affaire Camus » : foudroiement du plaignant, ressorts de l’indignation et frustrations de l’impuissance, désarroi d’un écrivain accusé & condamné médiatiquement sans avoir été lu (!), ignominie de l’accusation d’antisémitisme, dégout, mépris, envie de « dispar’être »

« Jeudi 20 avril 2000, sept heures du matin. Les gros nuages noirs s’accumulent, on entend un grondement sourd, les premiers éclairs ont déjà fendu l’air : l’orage va s’abattre sur moi d’un instant à l’autre. (…) Paul [Otchakovsky-Laurens] est très affecté par cette tempête, et se donne beaucoup de mal pour tâcher de détourner la foudre de moi. (…) Outre Paul, j’ai quelques défenseurs. Me Rappaport, ancien président du Mrap, s’est porté volontaire pour me défendre s’il y avait un procès, ce qui paraît très vraisemblable. Malheureusement il partait hier pour le Japon et il ne rentrera que le 3 mai. Or on craint un procès en référé, qui serait jugé d’urgence.

Dans l’avion vers New-York, dimanche 23 avril 2000, une heure de l’après-midi (heure française). Malgré ma satisfaction à me rendre aux États-Unis et au colloque à moi consacré par Yale, je regrette de quitter le champ au milieu de la bataille. J’y prends un plaisir étonnant. Tous les journaux me couvrent de boue, tous mes amis s’attendent à me trouver accablé, mais je suis au contraire combatif et très remonté, trouvant dans l’indignation une énergie et des réserves d’adrénaline sans cesse renouvelées. (…) Curieusement je n’ai reçu dans la crise actuelle, jusqu’à présent, aucune lettre d’insulte, que ce soit par la poste ou par le “courriel”. Les journaux me dépeignent comme un monstre antisémite, mais je ne reçois que des lettres d’encouragement. Elles sont de deux types bien distincts : soit elles viennent de familiers ou de lecteurs réguliers, et ceux-là m’assurent n’être pas dupes un seul instant du portrait ignominieux que la presse dresse de moi ; soit elles m’arrivent d’inconnus, antisémites ou crypto-antisémites, probablement, qui ne m’ayant jamais lu croient reconnaître un frère dans ce qu’ils lisent à mon propos dans les journaux, et m’assurent d’un soutien dont je me passerais volontiers. (…) Essentiellement écrit, ce combat est épuisant, bien entendu, et affreusement frustrant, par la disproportion entre l’énergie de tous les instants qu’il exige et le très peu d’effets qu’on lui voit obtenir. Tout se passe comme dans les cauchemars, quand on s’épuise à courir, à s’en faire éclater le cœur, et que ces beaux efforts, qui dans un monde plus juste devraient vous valoir de voler par-dessus la campagne, vous font avancer de quelques mètres à peine, tandis que vos poursuivants se rapprochent à grandes enjambées, et que vous sentez déjà sur votre nuque leur souffle haineux. (…) Vous dites par exemple : « Il est vrai que j’ai écrit ceci [une phrase hautement compromettante] ; mais cette assertion était suivie des précisions suivantes, qui en altèrent profondément le sens, si elles ne le retournent tout à fait, même ». Malheureusement les “précisions suivantes” sont coupées, elles, et tout ce qui reste de votre message, c’est que vous reconnaissez que vous avez bel et bien exprimé une opinion profondément choquante. (…) On hurle. Mais comme il n’y a pas de son, tout ce qui ressort sur la photographie, c’est que l’on rit à gorge déployée, entre les tombes ou les charniers.

New Haven, hôtel omni, jeudi 27 avril 2000, onze heures du soir. (…) De l’ignominie dont on m’abreuve je ne me relèverai jamais. Je suis un écrivain enterré. Pour l’instant c’est l’envie de dormir qui l’emporte en moi. Je ferme sur moi le sommeil, comme on laisserait tomber la dalle du tombeau. (…)

Vendredi 28 avril 2000, dix heures et demie du soir. (…) Le plus absolument loyal est mon vieil ami Alexandre Albert-Galtier, le poète, professeur à Eugene, dans l’Oregon, et dont la présence est d’un immense secours. Au vu des textes lui n’arrive même pas à comprendre, me dit-il, ce qu’on peut bien trouver à me reprocher. Il trouve qu’il n’y a rien de plus scrupuleux que ma prose, qu’elle n’avance rien sans d’infinies réticences, qu’elle revient indéfiniment sur ce qu’on aurait pu croire qu’elle affirmait — bref qu’il n’en est pas de plus éloignée de tout caractère “fasciste”, et de plus contraire à la tradition antisémite, qui se montre toujours péremptoire, selon lui, et procède par affirmations violentes, emportements et éructations. (…)

Samedi 29 avril 2000, huit heures du matin. (…) J’ai deux sortes de partisans. Les premiers n’approuvent pas ce que j’ai écrit, mais ils trouvent qu’il y a une disproportion effrayante entre mes formulations malheureuses, selon eux, et la campagne haineuse qui fait rage contre moi. Les seconds, ayant lu et relu les pages incriminées, n’y trouvent absolument rien de condamnable. Une troisième catégorie, qui doit exister mais qui s’est peu manifestée auprès de moi, Dieu merci, serait celle des personnes qui approuvent mes positions précisément parce qu’elles les imaginent telles que les décrivent mes pires ennemis. (…) L’épuisement et l’accablement, le dégoût, surtout, et le mépris, réactivent d’heure en heure mon vieux désir de dispar’être. Oh ! N’avoir plus rien à voir avec ce monde-là... (…)

New-York, chez Jim Byerley, east 12th street, mardi 2 mai 2000, une heure vingt de l’après-midi. (…) Le Monde publiera demain, en revanche, le texte écrit par Nicholas Fox Weber[29]. (…) Larry Schehr, samedi dernier, à Yale, analysait de la sorte, paragraphe par paragraphe, dans son réquisitoire contre moi, certain passage sensible de La Campagne de France (p. 329).

« En quoi je ne suis pas antisémite :

« 1/ En ceci que les persécutions nazies me semblent constituer le crime collectif le plus abominable de l’histoire de l’humanité ; »

Commentaire de Schehr : qu’on n’approuve pas les persécutions nazies ne prouve en aucune façon qu’on ne soit pas antisémite. Je vis dans le Sud (c’est Schehr qui parle), je n’ai encore rencontré personne qui dise approuver le lynchage. Et pourtant le Sud est plein de racistes.

« 2/ en ceci que me répugne absolument tout ce qui pourrait ressembler à une humiliation — ne parlons pas de mauvais traitements — infligée à quiconque du fait de caractères ou d’actions qui ne relèvent pas de son libre arbitre ; »

Commentaire de Schehr — à vrai dire j’ai un peu oublié le commentaire de Schehr, sur ce point-là. Toujours est-il qu’il n’y avait rien dans ce paragraphe qui lui semblât une preuve de non-antisémitisme.

« 3/ en ceci que je n’ai aucune tendance à juger les êtres sur leur appartenance ethnique ou religieuse, et qu’un juif peut m’inspirer la plus grande sympathie ou la plus vive admiration ; »

Commentaire de Schehr : some of my best friends are jewish.

« 4/ en ceci que je tiens l’expérience spirituelle et métaphysique du peuple juif comme l’une des plus hautes et des plus enrichissantes de la conscience universelle. »

Commentaire de Schehr : il a reconnu qu’il ne trouvait pas d’objection à formuler sur ce paragraphe-ci.

(…) Quoi qu’il en soit se confirme ce que j’ai toujours su, à savoir que presque personne n’a d’opinion à soi, ni ne désire en avoir, d’ailleurs. Au contraire : le grand désir, un des plus profonds désirs de l’homme, est de penser ce que pense son voisin. À quelques notables exceptions près, telle qu’Alexandre Albert-Galtier ou Nicholas Fox Weber, chacun, dans l’affaire actuelle, se tourne lâchement vers tous les autres, pour savoir comment il faut en juger, et de quelle façon il convient d’agir. Les universités ne cessent pas de se téléphoner les unes aux autres pour apprendre ce qui s’est passé à Columbia ou de quelle manière j’ai été accueilli à Penn. Et elles arrêtent leur position en conséquence — jamais sur le fond du débat.

Samedi 27 mai 2000, huit heures et demie du matin. (…) À force de s’entendre dire jour après jour et de lire quotidiennement dans la presse qu’on est un traître, une immonde fripouille, une “petite frappe antisémite”, “le mal absolu”, “la bête immonde”, “le salaud unique” (Bernard-Henri Lévy), on finit par attraper la tête de l’emploi. Encore Dreyfus a-t-il été soumis à ce régime pendant dix ou quinze ans tandis que je n’en suis qu’à mon deuxième mois. Et ce n’est pas à Dreyfus que menace de me faire ressembler la campagne menée contre moi, mais à ces vieux collaborateurs aigris qui erraient d’Espagne en Danemark, après la guerre, le cheveu rare et gris, le teint cireux, la peau flasque, l’œil chassieux, objets d’un mépris universel se muant tranquillement en oubli. (…) Ce qui ressort de tout cela, d’ailleurs, et ce n’est pas une surprise, c’est que personne ne m’a lu. (…) Jean Daniel se vantait très fort, il y a trois semaines, de n’avoir jamais entendu parler de moi. Et en effet s’il n’a que les archives de son hebdomadaire pour s’informer de ma littérature... (…) Paul voudrait d’autre part qu’au “dossier” soit joint un entretien entre Alain Finkielkraut et moi. J’accueille cette suggestion sans enthousiasme : non que Finkielkraut ne me semble un excellent interlocuteur, mais c’est moi qui ne suis pas prêt. Moi je voudrais écrire Du Sens. Et ce que sera Du Sens, à quelles conclusions m’amènera ce livre, je n’en sais rien pour le moment. Les gens sont persuadés que je suis ceci ou cela, “antisémite”, “maurrassien”, “essentialiste”, “barrésien” ou Dieu sait quoi encore, mais à la vérité je ne suis rien de tout cela, et je ne pense pas le devenir. (…) N’importe. Il n’y a pas lieu de discuter. « Renaud Camus, dit gravement Lévy, pratique un très vieil antisémitisme français, empreint de maurrassisme, qui considère qu’un juif — un étranger, un métèque — est incapable d’entendre les subtilités de la culture française. C’est stupide, c’est abject, il n’y a aucun débat là-dessus. » (…) Il a pêché cela dans tous les journaux qui traînent depuis un mois, et il le répète comme si c’était les Tables de la loi, d’évidence sans m’avoir jamais lu, sans rien connaître de mon œuvre, bien trop peu médiatique pour lui. (…)

Dimanche 28 mai 2000, neuf heures du matin. (…) Trois heures. On croit toujours que ça ne peut pas aller plus loin, mais les vagues successives de la haine et du mépris peuvent toujours se dépasser les unes les autres, indéfiniment. Léger désordre dans les rangs ennemis, toutefois. L’article de Marsan se termine sur cette phrase d’exécution capitale, sertissant une citation assassine : « Mais son racisme s’exhibe, son antisémitisme éclate, les mots sont là, dans la nudité explicite d’une conclusion qui témoigne de son rapport au monde — “La pensée juive est certes tout à fait passionnante, en général ; mais elle n’est pas au cœur de la culture française” — annulant d’avance toute dénégation, toute contradiction. » (C’est moi qui souligne.)

Or sur la page en regard figure un florilège de citations de La Campagne de France, également destinées à me perdre, bien sûr, mais qui n’ont pas été découpées, d’évidence, en suffisante concertation avec Marsan. Il y est rapporté que l’auteur du livre écrit en effet : « “la pensée juive est certes tout à fait passionnante, en général ; mais elle n’est pas au cœur de la culture française” — avant de se demander aussitôt : “Ou bien si ? Un doute me prend.” Il explique ensuite l’importance de l’Ancien Testament, de Spinoza, Bergson ou Proust ».

Alors ? « Annulant d’avance toute dénégation » ou bien « avant de se demander aussitôt » ? Il faudrait que Le Monde se décide...

Quant à la citation exacte, la voilà : « La pensée juive est certes tout à fait passionnante, en général ; mais elle n’est pas au cœur de la culture française. — Ou bien si ? Un doute me prend : l’Ancien Testament est certainement aussi “central” à la culture française, sinon plus, que L’Iliade et L’Odyssée. Spinoza est aussi essentiel à notre pensée politique, morale, métaphysique, que Hobbes ou que Leibniz, et certainement plus que Malebranche. Bergson est au cœur, oui, de la philosophie de son temps dans notre pays. Ne parlons pas de Proust, qui lui serait bien près de l’épicentre. Donc... (Reste à savoir si Proust relève de la “pensée juive”... Et même Bergson. Mais on doit pouvoir se poser la question.) »

Dimanche 11 juin 2000. (…) J’avais trouvé décisif pour ma défense que Finkielkraut ait lu un passage de La Campagne de France, que j’avais totalement oublié, qu’il a découvert lui-même et que personne n’avait relevé, et pour cause : j’y exposais que je venais de voter, aux élections européennes de cette année-là, en faveur de la liste Pour Sarajevo, menée par le professeur Schwartzenberg et par... Bernard-Henri Lévy. Mais bien entendu cette séquence essentielle n’a pas été conservée au montage. Sans doute a-t-il été estimé qu’elle rendait tout le dossier inintelligible pour les téléspectateurs. Quoi, un antisémite, voter Lévy et Schwartzenberg ? Les deux termes de cette proposition ne sont pas compatibles. Et comme le premier est scientifiquement acquis, il faut que le deuxième soit passé sous silence. (…)

Lundi 12 juin 2000, quatre heures et demie de l’après-midi. (…) Partout fleurit le faux, l’inexact, le tronqué, quand ce n’est pas le mensonge pur et simple. Et cette mauvaise monnaie chassant régulièrement la bonne, toutes les rédactions se copiant l’une l’autre tout en donnant chaque fois la préférence à l’approximatif et au sensationnel, les textes originaux et moi sommes de plus en plus négligés, passés par profits et pertes, tout à fait absents du débat. (…)

Paris, front de seine, mercredi 28 juin 2000, onze heures du matin. (…) Finkielkraut est tout à fait chaleureux et amical. Il poursuit sa lecture de mes livres, mais surtout celle de mes journaux, semble-t-il. Sa femme et lui y trouvent de nombreuses confirmations de l’absurdité de l’accusation d’antisémitisme à mon égard : par exemple, en 1991, je crois, mes prises de position au moment de l’affaire du carmel d’Auschwitz. En revanche, il continue de connaître très peu mes autres travaux. Contrairement aux assurances de Paul, il n’a toujours pas reçu le Discours de Flaran, qui est pourtant, à mon sens, une pièce essentielle du dossier.

Nous sommes parfaitement d’accord sur un point — nous sommes à peu près d’accord sur presque tous les points, mais particulièrement sur celui-ci : toute cette affaire montre à quel point a pour ainsi dire disparu (lui dit : a complètement disparu) la perception littéraire du monde.

Une œuvre littéraire se trouve avoir à se justifier face à des analyses purement journalistiques — dialogue de sourds, et impossibilité pour elle et pour son auteur de se défendre : car ou bien ils le font dans les termes de l’adversaire, et en ce cas ils ne peuvent en aucune façon répondre de leur projet, dénaturé d’emblée ; ou bien ils s’en tiennent à leur propre langage, et alors ils n’ont aucune chance d’être entendus (sans compter qu’on les accuse de dérobade). (…) »

×             Sur la « tradition éructante de l’extrême droite française »

« Dimanche 18 mars 2007, neuf heures et quart, le soir. Ceux qui ne savent pas croient, bien à tort, que j’ai un rapport quelconque avec la tradition éructante de l’extrême droite française, laquelle non seulement m’est totalement étrangère, mais que j’ai le plus grand mal à supporter. »

×             Sur la misère intellectuelle des antisémites

« Plieux, mardi 9 janvier 2018, deux heures du matin. La notion de Grand Remplacement n’est pas une théorie du complot, d’abord parce qu’elle n’est pas une théorie, énonce un fait, propose pour lui un nom ; mais surtout elle est tout l’inverse. Les théories du complot prétendent révéler quelque chose de caché, expliquer quelque chose de secret, lever le voile sur l’obscurité et le mystère. Les mots Grand Remplacement font exactement le contraire : ils invitent à contempler l’évidence, à la reconnaître, à la désigner expressément comme ils le font. Ils ne dévoilent rien des arcanes du monde : ils incitent à en admettre la pleine lumière. Ils ne sont pas Des choses cachées depuis le commencement du monde, ils sont La Lettre volée. Les plus déçus sont les antisémites, évidemment. Les antisémites sont des êtres profondément moraux qui vivent dans une indignation permanente. Comme ils savent exactement, et depuis toujours, qui est responsable de tout ce qui ne va pas, et notamment du Grand Remplacement, ils ne sont que mépris pour ceux qui ne dénoncent pas les coupables, les vrais coupables. Ce silence ne peut avoir que deux motifs, à leur avis : la peur, ou la servitude rémunérée. Qui ne met pas sur le dos des juifs tous les malheurs du monde est nécessairement un lâche, ou bien un vendu — ce n’est pas incompatible. Ancienne ou nouvelle manière, les antisémites se reconnaissent à cette invariable question : « Votre diagnostic est bon mais vous n’allez pas assez loin, vous ne nommez jamais ceux qui veulent tout cela : c’est parce que c’est trop dangereux ? »

38.-          Se permettre d’accuser M. Camus d’antisémitisme, comme le fit le prévenu, est constitutif d’une diffamation.

Il y a plus.

4. –

Sur la conversation entre Alain Finkielkraut et Renaud Camus :

l’énième sens de la Shoah

« Alain Finkielkraut (à Elisabeth de Fontenay) : (…) Il n’y a pas d’accusation plus grave que celle dont Renaud Camus doit répondre. Raison de plus pour être méthodique, pour être minutieux, pour ne pas prêter foi, sans vérification, aux emportements de la rumeur. Mais non, l’affaire est entendue, l’antifascisme se pourlèche : voici la Bête immonde. On dresse autour d’Elle et de ses travaux un cordon sanitaire pour prévenir toute contamination.

Et quand, non content de braver l’interdit, j’ose soutenir que Renaud Camus est un grand écrivain, ta colère de non-lectrice monte d’un cran car tu n’as jamais voulu accorder l’excuse du style à Brasillach, à Jouhandeau, à Morand ou à Chardonne. Moi non plus, figure-toi. (…)

Rien de fixiste chez Renaud Camus. Nul essentialisme. (…) »[30]

Élisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut, En terrain miné, éd. Stock 2017

39.-          La conversation entre MM. Finkielkraut et Camus est un nouveau lieu où s’exprime la même réalité : l’incompatibilité avec tout antisémitisme et son rejet catégorique.

Ainsi, un nouveau chapitre de cette conversation a récemment été mis sous la lumière médiatique ; il a Auschwitz pour objet, MM. Finkielkraut et Camus ayant d’une des dimensions de cette « atrocité » une interprétation différente.

En effet, il faut d’abord souligner que la conversation entre MM. Finkielkraut et Camus ne se noue qu’au départ d’une évidence (que nous croyons nécessaire de rappeler et de souligner) : Auschwitz est une atrocité et l’antisémitisme est parfaitement incompatible avec les pensées de l’un et de l’autre. Tandis que M. Finkielkraut considère Auschwitz comme un évènement incomparable, comme s’il s’agissait d’une des terminaisons définitives de l’histoire ou d’une histoire, M. Camus considère quant à lui qu’Auschwitz est aussi le point de départ d’une conception qui a perduré depuis les atrocités nazies, celle du « remplacisme » avec l’idée que les hommes sont fongibles ou interchangeables, conception qu’il faut absolument combattre par tous moyens :

« Alain Finkielkraut voit l’univers concentrationnaire nazi comme un unicum, un isolat auquel il ne faut rien comparer. Je le vois comme un diamant noir, un aleph de l’abomination, le cœur des ténèbres – le plus monstrueux chapitre d’une histoire commencée avant lui et qui n’est pas close, il s’en faut de beaucoup : celle de la deshumanisation de l’homme, sa réduction a la Matière Humaine Indifférenciée (MHI).

Des deux, c’est moi qui donne aux camps de la mort le plus d’importance, puisque j’en fais un paradigme. Ils m’obsèdent au moins autant que mon opposant en ce grave débat. (…)

Finkielkraut pense que le nazisme était le contraire du remplacisme parce que « pour Hitler, la grande hérésie est de croire, précisément, que les individus sont interchangeables ». Précisément : qu’est-ce qui les empêche de l’être ? Les juifs, les Tziganes, les homosexuels, les fous. Une fois ceux-là éliminés, les Allemands et les Européens seront les mêmes, pareils au Même, interchangeables, comme étaient dressés a l’être les Hitlerjugend – et si l’un tombe il en viendra un autre, tout pareil. (…)

On a beaucoup vu l’univers concentrationnaire comme un crime contre les juifs, et on a eu mille fois raison ; mais il est temps de l’envisager aussi comme un crime contre l’homme, contre l’humanité de l’homme. Les boites a hommes ou ne peuvent même pas se tenir debout, a Hong Kong et ailleurs, des travailleurs qui se ruinent en loyer pour être près d’un travail qui leur permet a peine de payer leur loyer relèvent de la même histoire que les châlits d’Auschwitz : celle de l’industrialisation du mal, ou de sa postindustrialisation, de sa standardisation. Le racisme avait fait de l’Europe un champ de ruines, l’antiracisme en fait un bidonville haineux. Le remplacisme global, cinématographiquement, c’est Metropolis, plus Les Temps modernes, plus Soylent Green. »[31]

40.-          Et Finkielkraut de souligner, s’agissant de la position prise par le plaignant :

« Mais on ne peut en aucun cas accuser Renaud Camus de contestation de crimes contre l’humanité ou d’apologie puisqu’il dit très explicitement que le génocide des juifs était plus criminel. Bref ce propos ne relève pas des tribunaux. Les associations antiracistes ont remplacé depuis longtemps la réflexion par le reflexe judiciaire. Impatientes de punir, elles ne savent plus critiquer. Cette tache me revient donc à moi et à moi presque seul, parce qu’à la différence des assoc’ je ne suis pas démangé par l’envie du pénal et parce que contrairement à la plupart de mes pairs, les intellos, je sais de qui et de quoi je parle. »[32]

41.-          L’incompatibilité à laquelle nous faisions référence, entre la pensée et l’expression de M. Camus d’une part et d’autre part l’antisémitisme paraît ressortir à suffisance de ce qui précède – et ce, pour le moins, dès lors que le plaignant est probablement un des seuls penseurs français à faire d’Auschwitz une question relevant pleinement de l’histoire française, en ce sens qu’il en tire toutes les conséquences : en termes de lutte et de prévention contre l’antisémitisme, et en termes prévention et de lutte contre tout ce qui, sorti de la barbarie nazie, pourrait à nouveau menacer les hommes, menacer la paix et les autres ciments nationaux.

42.-          L’accusation proférée par M. Moix est diffamatoire et particulièrement préjudiciable à M. Camus.

III.-

DU DROIT

Sur le caractère diffamatoire

43.-          Les principes de la liberté de la presse et de la liberté d’expression commandent que puissent être divulguées des informations sur tous les sujets, dans la mesure où le traitement de celles-ci est opéré dans un but légitime, sans animosité personnelle, à la suite d’une enquête sérieuse et avec une élémentaire prudence dans l’expression.

Ces mêmes principes n’autorisent aucunement le prévenu à traiter le plaignant de « écrivain antisémite » publiquement dans le cadre d’une émission très largement diffusée et populaire dans toute la francophonie. A l’opposé de la facilité avec laquelle le prévenu s’est permis de proférer une telle accusation, les principes de liberté d’expression et de liberté de la presse auraient dû contraindre ce dernier, professionnel des médias, à respecter les standards les plus élémentaires de prudence et de modération des propos, attendu que l’accusation de « écrivain antisémite » est une qualification pénale susceptible d’une condamnation dont M. Camus n’a jamais fait l’objet.

44.-          Il convient de rappeler que les dispositions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, précisent que :

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, (…).

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »[33]

De même, les dispositions de l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 précitée, punissent la diffamation comme suit :

« La diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens énoncés en l’article 23 sera punie d’une amende de 12.000 euros. »[34]

Il convient en outre de souligner que, si l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme reconnaît en son premier paragraphe à toute personne le droit à la liberté d’expression, ce texte prévoit en son second paragraphe que l’exercice de cette liberté, comportant des devoirs et des responsabilités, peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la protection de la réputation d’autrui.

45.-          La jurisprudence veille avec grande constance à ce que les imputations de faits contraires à la loi soient condamnées, considérant que de telles imputations portent atteinte à l’honneur et à la considération du plaignant[35], qu’elles demeurent attentatoires dès qu’elles sont proférées indépendamment de la bonne foi du prévenu[36], qu’elles sont condamnables quel que soit leur formulation, qu’il s’agisse d’insinuations[37] ou d’accusation plus claires.

Cette même jurisprudence est d’autant plus sévère lorsque les imputations ou accusations ont pour objet des faits qui sont tout à la fois contraires à la loi et reprouvés par la morale. Ainsi la Cour de cassation souligne-t-elle dans un arrêt récent :

« l’atteinte à l’honneur ou à la considération ne {peut} résulter que de la réprobation unanime qui s’attache, soit aux agissements constitutifs d’infractions pénales, soit aux comportements considérés comme contraires aux valeurs morales et sociales communément admises au jour où le juge statue (…) »[38]

Il est enfin nécessaire de rappeler que :

« pour déterminer si l’allégation ou l’imputation d’un fait porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne, les juges n’ont pas à rechercher les conceptions personnelles ou subjectives de celle-ci sur ces deux notions ni à tenir compte de l’opinion que le public a de cette personne ; »[39]

En l’espèce, la diffamation est manifestement établie.

Sur l’absence de bonne foi du prévenu

46.-          Les imputations diffamatoires sont réputées faites de mauvaise foi, sauf à ce que le prévenu établisse que, tout à la fois, elles correspondent à la poursuite d’un but légitime, qu’elles ne traduisent pas une animosité personnelle de sa part à l’égard de la partie civile, fassent suite à une enquête sérieuse, et soient exprimées avec mesure.

47.-          En l’espèce, c’est non seulement la mauvaise foi du prévenu mais encore son intention de nuire qui paraissent largement établies dès lors qu’il a été montré tout à la fois que M. Camus n’est pas antisémite, que la simple lecture de ses œuvres renvoie à une incompatibilité flagrante et constante, d’essai en essai, d’ouvrage en ouvrage, entre sa pensée et l’antisémitisme, et qu’il est probablement le penseur ayant poussé avec M. Finkielkraut le plus loin la réflexion sur les conséquences à tirer des atrocités du nazisme et de celles commises à Auschwitz.

A partir du moment où il ne s’agit pas seulement de mauvaise foi, mais d’intention de nuire ou, pour le dire autrement, à partir du moment où le prévenu a excédé de très loin les limites de la liberté d’expression pour verser dans l’animosité et dans les attaques personnelles contre M. Camus, le délit de diffamation est constitué

Sur le préjudice

48.-          Le préjudice subi par M. Camus est direct, certain et immédiat. Il est particulièrement substantiel.

Il est constant que, la faute du prévenu ayant été solidement établie, le droit à réparation du plaignant doit être déduit automatiquement de la constatation de cette atteinte[40].

49.-          S’agissant de l’évaluation du préjudice subi par le plaignant, il convient de tenir compte à tout le moins des éléments suivants :

a)         La gravité de la faute commise par le prévenu

En effet, la gravité de la faute commise par M. Moix est aisément mesurable à l’aune du degré de conscience que ce dernier avait lorsqu’il la commettait : en tant qu’écrivain, M. Moix connaissait parfaitement l’ampleur du préjudice qu’il causerait au plaignant en l’accusant d’être « antisémite » au terme d’une tirade où il l’accabla. La faute commise par M. Moix paraît lourde et impardonnable à bien des égards dès lors que :

-           en tant qu’écrivain, le prévenu ne pouvait ignorer le Journal de Renaud Camus ou tel ou tel de ses ouvrages qui témoignent depuis le commencement de son œuvre d’une incompatibilité radicale entre sa pensée et l’antisémitisme. S’il n’a pas lu le Discours de Flaran ou Nightsound, il ne pouvait pas ignorer – à tout le moins – qu’il ne restait (absolument) rien de « l’affaire Camus », que toute cette « affaire » avait été bâtie sur des « faux et des fantasmes » ;

-           traiter M. Camus « d’antisémite » ou « d’assez antisémite » après l’avoir traité de « médiocre », « très mauvais », « mauvais styliste », indigne d’intérêt… revenait à signer une animosité personnelle et une intention de nuire inadmissibles : M. Moix ne pouvait l’ignorer ;

-           en traitant M. Camus « d’antisémite » ou « d’assez antisémite », le prévenu savait la gravité du dommage qu’il causait au plaignant, tentant sciemment d’installer cette réputation parfaitement attentatoire à l’honneur de M. Camus bien des années après « l’affaire Camus », à un moment où ce dernier est parvenu à se défaire de cette mauvaise vêture qu’on avait voulu lui faire porter de force.

b)         la gravité de la diffamation à l’aune de la loi 

L’accusation d’antisémitisme relève d’une catégorie pénalement sanctionnée. Elle est de nature à susciter la réprobation générale et à susciter une réprobation particulière dans le chef du plaignant, lequel a toujours développé avec grande constance une pensée incompatible avec tout antisémitisme.

Il s’agit donc d’une imputation diffamatoire portant en l’espèce une atteinte beaucoup plus lourde aux droits de M. Camus.

c)          les dimensions publique et politique du plaignant décuplant la capacité de nuisance de ces diffamations ;

d)         la très large audience du prévenu et de l’émission dans le cadre de laquelle la diffamation a été commise, diffusée et rediffusée en France et dans toute la francophonie[41] 

Il est en effet souligné qu’il ne s’agit pas d’un journal local ou de la diffusion d’une émission spécialisée : l’émission dans le cadre de laquelle la diffamation a été commise est nationale et de très large audience.

e)         Le contexte de la commission de la faute par le prévenu

Deux éléments ont donné à la diffamation du plaignant un contexte de complaisance absolue à l’égard de la diffamation commise. Ce sont les suivants :

-           la désinvolture de M. Moix s’agissant du respect dû à la loi pénale, donnant l’impression que M. Camus pourrait être diffamé et humilié publiquement dans la plus grande impunité ;

-           l’absence totale de modération de la part du cercle des animateurs et de M. Ruquier.

f)          des montants habituellement fixés par la jurisprudence s’agissant d’affaires similaires.

M. Moix sera donc condamné à verser au plaignant, partie préjudiciée, la somme de EUR 30.000 à titre de dommages et intérêts.

50.-          M. Camus est par ailleurs fondé à solliciter du Tribunal de Céans et à se voir octroyer la somme de EUR 5.000 au titre des dispositions de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

*

par ces motifs,

Et tous autres à produire, même d’office,

Vu les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,

Vu les articles 2, 382, 390, 392, 392-1, 410-1, 411, 412, 418 et suivants, 427, 439, 442, 442-1, 459, 460 et 475-1 du code de procédure pénale

PLAISE AU TRIBUNAL

DIRE ET JUGER M. Camus recevable et bien fondé en la présente citation directe ;

DIRE ET JUGER qu’en accusant M. Camus d’être un « écrivain antisémite » lors de l’émission « On n’est pas couché », édition du 3 juin 2017, M. Moix s’est rendu coupable du délit de diffamation, sur le territoire national et à une date non couverte par la prescription, délit prévu et réprimé par les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;

En conséquence,

FAIRE APPLICATION de la loi pénale ;

RECEVOIR M. Camus en sa constitution de partie civile ;

CONDAMNER M. Moix au paiement d’un montant de trente mille euros (EUR 30.000) à verser au plaignant à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNER M. Moix au paiement de cinq mille euros (EUR 5.000) au titre des dispositions de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ;

CONDAMNER M. Moix aux entiers dépens ;

ORDONNER la restitution à M. Camus de la consignation versée au titre des dispositions de l’article 392-1 du Code de procédure pénale.

Fait à Bruxelles et Paris, le XX mars 2017,

Pour le plaignant,

Ses conseils,

Stéphane Bonichot

Avocat au Barreau de Paris

Yohann Rimokh

Avocat au Barreau de Bruxelles

*

BORDEREAU DES PIECES PRODUITES

Renaud Camus / Yann Moix

Dossier de Maîtres Rimokh & Bonichot

Pièce n°1 :          Lettre de mise en demeure du 14 juin 2017 ;

Pièce n°2 :          Retranscription (avec observations marginales) de la séquence au cours de laquelle la diffamation a été commise ;

Pièce n°3 :          R. Camus, Le discours de Flaran, P.O.L., 1997 ;

Pièce n°4 :          R. Camus, Nightsound, P.O.L. 2000;

Pièce n°5 :          N. Fox Weber, L’injustice faite à Renaud Camus, Le Monde, 5 mai 2000 ;

Pièce n°6 :          R. Camus, L’affaire Renaud Camus, Le Figaro, 7 juin 2000 ;

Pièce n°7 :          R. Camus, Le génocide juif est l’aune de l’horreur, in Causeur n°54, février 2018, page 12.

* * * * * *

[1] Voy. Fiche bio-bibliographique : https://www.renaud-camus.net/curriculum-vitae/.

[2] Cette émission est disponible sur la chaîne « You Tube » de l’émission « On n’est pas couché » : https://www.youtube.com/watch?v=EeaqDWnnuSs.

[3] Surlignements rajoutés.

[4] Voy. Pièce n°1, Lettre de mise en demeure du 14 juin 2017.

[5] Publié aux éditions P.O.L., ce livre reprend « dans une forme légèrement différente et plus brève, {le discours qui} a été prononcé le dimanche 13 juillet 1997, en l’église abbatiale de Flaran (Gers), lors de l’inauguration de l’exposition Plieux à Flaran (collection du château de Plieux) ». Voy. Pièce n°3 : R. Camus, Le discours de Flaran, P.O.L., 1997.

[6] Surlignements rajoutés. Voy. Pièce n°3, Le Discours de Flaran, pages 17 à 19.

[7] Surlignements rajoutés. Voy. Pièce n°3, Le Discours de Flaran, pages 22 et 23.

[8] La formulation de cette question est celle des éditions du Seuil, ayant publié en 1992 le livre du rabbin M.-A. Ouaknin, Le livre brûlé. Philosophie du Talmud, voy. : http://www.seuil.com/ouvrage/le-livre-brule-marc-alain-ouaknin/9782757862841.

[9] Surlignements rajoutés. Voy. Pièce n°3, Le Discours de Flaran, pages 41, 42 et 50.

[10] Voy. Pièce n°4, R. Camus, Nightsound, P.O.L. 2000.

[11] Surlignements rajoutés. Voy. Pièce n°4, Nightsound, page 80.

[12] Surlignements rajoutés. Voy. Pièce n°4, Nightsound, pages 80 et 81.

[13] Surlignements rajoutés. Voy. Pièce n°4, Nightsound, pages 125 et 126.

[14] Surlignements rajoutés. Voy. Pièce n°4, Nightsound, page 74.

[15] Surlignements rajoutés. Voy. Pièce n°4, Nightsound, pages 128 et 131.

[16] Surlignements rajoutés. Voy. Pièce n°5, N. Fox Weber, L’injustice faite à Renaud Camus, Le Monde, 5 mai 2000.

[17] L’expression est celle de M. Weitzmann, journaliste ayant eu « le douteux privilège d’avoir déclenché ce que l’on a appelé « l’affaire Camus » » pour reprendre encore la formulation des choses utilisée par ce dernier dans un des siens livres de chroniques littéraires : « 28 raisons de se faire détester », ed. Stock 2002.

[18] L’expression est de M. Finkielkraut.

[19] Surlignements rajoutés.

[20] Voy. Pièce n°6, R. Camus, L’affaire Renaud Camus, Le Figaro, 7 juin 2000.

[21] Aux éditions P.O.L. 2002.

[22] Th. Clerc, La trahison de Renaud Camus, in Libération 13-14 mai 2000, voy. : http://www.renaud-camus.net/affaire/.

[23] Surlignements rajoutés. Voy. : http://www.renaud-camus.net/affaire/.

[24] Surlignements rajoutés. Le Figaro, 5 juin 2002. Voy. : http://www.renaud-camus.net/affaire/.

[25] Surlignements rajoutés. Voy. E. Carrère, Tardivement, précité (http://www.renaud-camus.net/affaire/).

[26] Voy. Ivan Jaffrin, « D’un scandale l’autre: l’affaire Renaud Camus et la faillite de la critique intellectuelle », COnTEXTES, n°10, 2012.

[27] Association devant laquelle il prononça une conférence le 8 mars 2012 à Paris.

[28] Surlignements rajoutés.

[29] Directeur de la Fondation Josef et Anni Albers. M. Fox Weber écrira notamment ceci : « La plus horrible injustice est commise envers Renaud Camus. (…) Je connais Renaud Camus depuis plusieurs années mais quand j’ai lu dans les journaux ses phrases sur les juifs, j’ai été ulcéré par elles. Comment Camus pouvait-il avoir écrit cela ? (…) Sur quoi j’ai ouvert le livre aux pages les plus souvent citées.  Et je me suis rendu compte que jamais je n’avais rencontré procédé de citation plus pervers. (…) que des journaux sérieux puissent jongler avec les phrases et user à ce point de l’ellipse pour transformer en fanatique et salir à ce degré un homme honorable m’a stupéfié. Je me suis pris de colère contre moi-même pour avoir un moment retiré ma confiance à Camus, et pour avoir laissé les journaux me convaincre qu’un être de la plus parfaite honnêteté intellectuelle et morale était une sorte de monstre. Et si moi qui suis de ses amis et de ses lecteurs j’avais pu être abusé à ce point, que serait l’effet d’articles de ce genre sur des gens qui ne le connaissaient pas, et surtout ne l’avaient jamais lu ? (…) » (surlignements rajoutés). Voy. Pièce n°5.

[30] Surlignements rajoutés.

[31] Surlignements rajoutés. Voy. Pièce n°XX, R. Camus, Le génocide juif est l’aune de l’horreur, in Causeur n°54, février 2018, page 12.

[32] Surlignements rajoutés. Entretien entre E. Levy & A. Finkielkraut, RCJ, le 29 octobre 2017, sous le titre « Nouvelle affaire Renaud Camus: la consternation d’Alain Finkielkraut » (Ajoutée le 30 oct. 2017 par la chaîne Youtube « Causeur »), voy. : https://www.youtube.com/watch?v=-nV-Kga4INM&t=513s.

[33] Surlignements rajoutés.

[34] Surlignements rajoutés.

[35] Voy. Cass. crim., 9 février 2016, n°14-86.939, Cass. crim., 8 juillet 2015, n°14-80.818, ainsi que Cass. crim., 3 novembre 2015, n°14-83.416.

[36] Voy. Cass. crim., 8 juillet 2015, n°14-80.808.

[37] Voy. Cass. crim., 3 novembre 2015, n°14-83.515.

[38] Voy. Cass. 1ère civ., 17 décembre 2015, n°14-29.549.

[39] Voy. Cass. crim., 28 janvier 1986, n°84-95573.

[40] Jurisprudence constante : voy. Civ 1ère, 7 novembre 1996, Bull. civ. I, n° 378.

[41] Au moment où les présentes conclusions sont rédigées, l’émission « On n’est pas couché », édition du 3 juin 2017, a été vue 98.481 fois simplement sur You Tube (https://www.youtube.com/watch?v=EeaqDWnnuSs).

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