La Ligne claire. Journal 2019

créée le lundi 23 décembre 2019, 0 h 42
modifiée le jeudi 26 décembre 2019, 22 h 19
Plieux, dimanche 22 décembre 2019, onze heures moins le quart, le soir.
La vie à Plieux, c’est la Symphonie des Adieux. Les lumières s’éteignent les unes après les autres. Je l’entends tout à fait littéralement. Chacun à leur tour les lampadaires refusent tout service, dans la maison. Ce ne sont pas les ampoules qui sont grillées, ce sont vraiment ces modestes candélabres qui meurent d’épuisement un à un. Encore y a-t-il un gros progrès, ils ont tenu plusieurs mois, et pour certains plusieurs années. À la génération précédente leur durée de vie était de quelques semaines à peine, parfois de quelques jours. Il faut dire que ce sont des lampadaires tout à fait bon marché, mais pas laids, noirs, très simples, beaucoup moins rebutants que leurs homologues de grand prix — je soupçonne qu’en matière de lampadaires plus on monte dans la gamme des prix plus les objets sont vilains, avec peut-être un retournement au sommet de la pente, sur des lampadaires hors de prix, qui, eux, se donnent un mal fou pour tâcher de ressembler aux nôtres.

Un premier problème est qu’on n’en trouve plus, des nôtres : ils paraissent avoir disparu du marché. On ne rencontre plus dans les magasins que des lampadaires chichiteux, horribles et ruineux.

Un second problème est que, quand bien même nous en trouverions qui nous convinssent, nous ne pourrions pas les acheter, car nous sommes au fin fond de la dèche. J’ai réussi à y plonger jusqu’au malheureux Pierre, pourtant beaucoup moins casse-cou que moi en ces matières. Et le comble est que même ce qui pourrait améliorer un peu la situation, les commandes de livres de la Nouvelle Librairie, par exemple, ne peut pas être pratiqué car, ces livres, il faudrait que je commence par les commander moi-même, par le truchement de mon compte Amazon ; et je ne le puis, parce que ma carte bleue ne fonctionne plus qu’à peine, mon compte bancaire est à découvert depuis cinquante jours alors qu’il ne saurait l’être plus de quinze jours, selon la loi ; et toute aggravation de la situation aurait les conséquences les plus funestes. Je crains fort que son état présent ne les implique déjà, d’ailleurs, même indépendamment de toute aggravation.

Le seul véritable espoir d’amélioration, ce sont les réabonnements annuels à ce journal, qui tous les ans ont tendance à déclencher une feinte prospérité de quelques semaines, en janvier ou février. Mais les abonnés, anciens ou nouveaux, n’ont pas l’air très pressés de renouveler leur inscription. Peut-être n’ont-ils pas l’intention de le faire. L’un d’entre eux déplorait récemment qu’il n’y eût plus de voyages, entre ces pages. C’est un cercle vicieux.

Les lecteurs quotidiens sont une petite centaine. Au début ils étaient cent trente. Leur nombre était tombé à quatre vingts, dernièrement. Il est un peu remonté ces dernières semaines, mais je crois qu’il se dirige de nouveau vers la baisse.  

En attendant que le dernier carré se décide, nous vivons dans la pénombre. Ce serait sinistre s’il y avait des visiteurs, des invités ou des hôtes ; mais il n’y en a pas, et cette obscurité qui croît n’est pas sans une certaine séduction à la Tanizaki. Les quelques lampes qui demeurent font dans les pièces immenses des sortes d’igloos de lumière, ceints par la nuit profonde, entre les Marcheschi ou les livres. Dans la cuisine on ne peut plus s’éclairer qu’à la bougie. Nous y avons déjeuné tôt, ce matin, car Pierre s’était engagé à tenir la guérite de la crèche, sur la Plaza Mayor, où se vendent du café, des biscuits, du nougat, du miel. Le monde, le village et la maison étaient encore plongés dans les ténèbres, après une formidable tempête qui nous avait secoués aux petites heures, et continuait de vrombir un peu. Pierre paraissait un saint de Georges de La Tour, à la lueur tremblotante d’une unique chandelle. Le chien demi-aveugle nous contemplait de l’ombre. 

*

Tiens, un message du voisin de l’ouest, M. Kevin Candelon à l’instant, à propos de l’entrée d’hier, je présume — que du coup je vais être obligé de mettre en “accès libre”, sans quoi les gens pourraient supposer Dieu sait quoi :

« À grand frais…. Combien ???? Merci de votre expertise. Mais en bien ou en mal, on se fout de votre avis.

« Drôles d’OiseauxRestaurant Plieuxwww.drolesdoiseaux.fr »

Il a raison sur les “grands frais” — je n’en ai pas la moindre idée. Pour le reste, il est aisé de reconnaître dans le personnage un ennemi acharné de la haine. 

voir l’entrée du dimanche 22 décembre 2019 dans Le Jour ni l’Heure

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