Le Choléra. Journal 2021

créée le mardi 26 janvier 2021, 12 h 31
modifiée le mardi 26 janvier 2021, 12 h 48
Plieux, lundi 25 janvier 2021, minuit et demi.
J’ai eu entre les mains et feuilleté le livre de MM. et Mme Décugis, Leplongeon et Guéna, La Poudrière, et j’y ai lu le chapitre de Mme Guéna me concernant. Il est plutôt moins hostile que le reste, comme si la journaliste, que j’ai reçue assez longuement ici l’été dernier, et qui raconte sa visite, ne trouvait, au fond, pas grand-chose à me reprocher, si ce n’est mes idées, bien entendu. Le seul point vraiment désagréable qu’elle trouve à évoquer est que je m’écoute parler : critique qui ne m’a jamais été adressée, à ma connaissance, et qui ne manque pas de saveur si l’on veut bien songer que je reçois une personne qui de son propre aveu ne vient pas en amie, et c’est une litote pour ne pas dire qu’elle vient en ennemie ; et qui est fort disposée à retenir contre moi, ainsi qu’elle en a reçu mission, la moindre parole malheureuse qui pourrait m’échapper, et qui m’incriminerait gravement : on conçoit que j’aie tendance, dans ces conditions, à peser mes mots, ce qui donne peut-être l’impression fâcheuse, mais inattendue, que je “m’écoute parler”. Il y a sans doute aussi, je l’ai souvent remarqué, que ma façon de m’exprimer, à l’aide de phrases à peu près construites qui tâchent de répondre d’elles-mêmes devant la grammaire, paraît désormais très artificielle (ce qu’elle est) et d’une autre époque (ce qu’elle est également), à la plupart des gens plus jeunes et qui pratiquent eux-mêmes un langage plus…, disons, déstructuré.

Ce n’est pas spécialement le cas de Mme Guéna, quand elle parle. Cependant sa prose prête facilement à ambiguïté. Ainsi lorsqu’elle écrit :

« Éric Zemmour est le meilleur héraut de Renaud Camus, qui clame à longueur de meetings, comme à Perpignan en septembre 2019 où il est venu s’exprimer à l’invitation de Louis Aliot, que ce grand Remplacement n’ira pas sans bain de sang ».

La plupart des lecteurs vont comprendre ici que c’est moi qui clame à longueur de meetings etc., même s’il est peu vraisemblable pour les connaisseurs, j’en conviens, que j’aie jamais fait l’objet d’une invitation de Louis Aliot. Et la journaliste de continuer :

« Renaud Camus le croit aussi. Il pense la guerre inéluctable. Et l’homme de plume septuagénaire qui, lorsqu’il n’écrit pas, peint quelques formats carrés figuratifs dans un vaste atelier à l’étage du dessous, affirme qu’il n’hésitera pas, et se battra. »

D’une part je ne crois pas du tout la guerre inéluctable, même si je la reconnais comme un danger très véritable ; et si je préconise la décolonisation et la remigration, c’est précisément pour l’éviter. Et d’autre part je n’ai jamais, au grand jamais, dit que je me battrai, ce qui à mon âge et dans mon état, sans parler de mon expérience militaire, serait du plus haut ridicule. Cette partie-là est invention pure. D’ailleurs nous sommes de part en part dans une fiction convenue, une licence journalistique, si l’on veut, puisque la petite-fille de l’ancien président du Conseil Constitutionnel, Yves Guéna, venue de son propre château du Périgord, dit nous, tout au long, pour raconter sa visite ici, comme si elle avait été flanquée de ses co-auteurs, alors qu’elle était parfaitement seule — c’est, j’imagine, pour que les différents chapitres du livre ne puissent pas être attribués.

Au demeurant je ne suis pas sûr que Mme Guéna ait énormément d’oreille, malgré sa bonne volonté. Ce qu’elle me fait dire n’est pas inexact, en général, mais ne sonne pas juste. Ce n’est pas moi qui parle, dirait-on, mais un “genre” :

« Il poursuit : “Je voudrais que nous fissions ce qu’a fait l’Algérie quand elle a pris son indépendance” »…

Et peut-être cette aimable jeune femme manque-t-elle un peu d’œil, aussi :

« Renaud Camus est bien mis, veste et pantalon blanc, chemise claire, un foulard autour du cou ».

J’ai bien une veste qui peut passer pour à peu près blanche — l’entrevue se déroule en plein été, par temps de canicule, précise la visiteuse —, mais pas de pantalon blanc : celui que je portais devait être plutôt beige. Et surtout je n’ai pas de foulard à mettre autour du cou ; j’arborais sans doute une cravate : le foulard dans la chemise est la projection d’une image préalable, d’un “genre”, là-encore : ceux du gentleman-farmer, ou qui se la joue tel.

Pour le reste les inexactitudes abondent, comme c’est la loi du genre. Ainsi Mlle Solveig Mineo était notre tête de liste, aux élections européennes. Les protagonistes du “gif du pompier” étaient noirs, Dieu sait pourquoi. L’inscription de ma main au-dessus dudit gif était “I can’t breathe”, phrase fameuse du malheureux George Floyd expirant, alors que c’était en fait, si ma mémoire est bonne, “Laissez-nous respirer”, phrase du clan Traoré tâchant de récupérer pour sa cause l’épisode Floyd — point très important, et littéralement capital, car il s’agit de montrer ma cruauté et mon inconscience, la phrase fameuse de Floyd étant citée en exergue du chapitre à moi consacré. Ou encore Tricks, préfacé par Roland Barthes, paraît à la fin des années 1980 chez POL (Tricks paraît en 1979 et ce n’est pas chez POL, Barthes est mort en 1980, etc.).

Mais pour l’essentiel, et cette fois sur le fond, mon grand tort est de ne pas donner de chiffres, de ne rien prouver, quant au Grand Remplacement. C’est un reproche qui m’est adressé tout autant “dans mon camp”, si je puis dire. La semaine dernière encore Philip Dewinter voulait publier en néerlandais une édition de mon livre assortie d’une partie inédite de sa main, dûment chiffrée — je lui ai écrit de mettre tout cela en préface, s’il le souhaitait. Il me faut bien reconnaître que sur ce point (comme sur tant d’autres) ma position n’est absolument pas comprise : ni par mes adversaires ni par mes partisans. Je m’y tiens pourtant mordicus. Jamais au cours de l’histoire on ne s’en est remis à la “science”, et encore moins à des sciences plus ou moins prétendues, qui n’ont fait que mentir, de reconnaître et nommer des situations historiques évidentes, dont la réalité crève les yeux, et le cœur. Ce n’est pas la science et encore moins la “science”, qui a décidé qu’il y avait une Guerre de Cent Ans, une Grande Peste, une Révolution française, une Grande Guerre ou une Grande Dépression. Ce ne sont pas les chiffres qui ont fait admettre qu’il y avait une Occupation allemande. Même s’ils peuvent être intéressants, et si je ne les récuse nullement par principe, et d’autant moins que la plupart me donnent désormais raison, ce n’est absolument pas aux chiffres qu’il revient d’établir qu’il y a Grand Remplacement, changement de peuple et de civilisation, colonisation, génocide par substitution. Je récuse le témoin : non seulement parce qu’il a menti comme un arracheur de dents, mais surtout parce qu’il n’est pas à la hauteur de la situation, qu’il est par essence indigne d’elle, de son évidence et de sa grandeur tragique — on ne prouve pas qu’il y a eu tremblement de terre à Lisbonne en 1755, ou conquête de l’Ouest, ou camps d’extermination.

Quelqu’un, un “patriote”, pourtant, face aux allégations du parti négationniste-génocidaire selon lesquelles il n’y aurait jamais eu de peuple français (parce qu’il est impossible à définir), ou celle du président de la République pour qui il n’y a pas de culture française, disait qu’il fallait lutter pied à pied, prouver scientifiquement, historiquement, qu’il y en avait bel et bien. Prouver qu’il y a un peuple français ? Mais ces gens-là sont sérieux ? Accepter d’entrer là-dedans, ce serait prêter la main au génocide, s’en rendre complice. 

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