Rez-de-chaussée
Deuxième salle des Gardes
Au rez-de-chaussée, la deuxième salle des Gardes est parfois appelée "la nef", à cause de sa forme allongée (17m x 5) et aussi en souvenir de l'installation qu'y avait disposée Jannis Kounellis lors de son exposition à Plieux, en 1995 : par ses formes et par ses volumes, elle évoquait la coque d'un navire.
Immédiatement à gauche de l'entrée, entre la porte ogivale qui sépare les deux salles des Gardes et le départ d'un petit couloir qui mène à la plus petite des deux tours de Plieux, la tour Saint-Clar, on remarque un panneau vertical qui figure de manière plutôt abrupte Gaia ou la naissance du monde. L'image est très proche que celle qui apparaissait sous le même titre, en 1993, à Villeurbanne, dans l'immense composition circulaire Ouranos (4 x 25m, Somogy p. 129-137)
Sur le flanc gauche de la nef, Dante et Virgile dans la forêt* (1992, 2,70 x 3,36 m, Somogy p. 122), rappelle la place essentielle de Dante dans l'univers marcheschien, qui abonde en allusions à La Divine Comédie. A propos de Marcheschi "illustrateur" de Dante, on pourra se rapporter au texte de Jacqueline Risset, Il fuoco et l'altre stelle, paru dans le catalogue de l'exposition "Marcheschi.Dante, Riveder le stelle qui s'est tenue du 15 novembre 1999 au 28 février 2000, parallèlement à un colloque international sur Dante (ce texte est repris dans Somogy, p. 29-32 : «Dante est-il représentable ?»).
Au fond de la nef est accroché le tragique Marsyas*, (1992, 2,70 x 3,36, Somogy p. 125), qui figurait déjà dans l'exposition "Graal-Plieux" de 1993. Ce corps supplicié, écorché, pendu par les pieds, jambes écartées, constitue la reprise, avec les moyens propres à l'artiste, d'un thème fréquent de l'Antiquité grecque et latine comme de la peinture classique, illustré par exemple par Rubens et avant lui par Titien (Le Supplice de Marsyas, château archiépiscopal de Kromeriz, République Tchèque) : rivalité artistique d'Apollon et du faune, de la lyre attique et de la flûte phrygienne, de l'art grecque autochtone et des infuences étrangères, de l'artiste et des dieux, du créateur et du pouvoir (et ce qui s'ensuit). « Marsyas, dont le supplice est évoqué par Dante au premier chant du paradis comme métaphore du souffle poétique, dans la prière à Apollon :
Entre dans ma poitrine, et souffle, toi,
comme quand tu as tiré Marsyas
hors de la gaine de ses membres (Par. I, 19-21)est présenté dans la peinture comme une grande figure tragique ; arraché au récit, il dérive, tel un «noyé pensif» auprès du Bateau Ivre, dans les espaces indistincts de la nuit infernale.» (Jacqueline Risset, "Il fuoco e l'altre stelle", texte cité).
Sur le mur droit de la nef, ou deuxième salle des Gardes, on rencontre d'abord, toujours en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre, le surprenant Lear* (1993, 2,38 x 1,90, Somogy p. 127), en état d'érection comme Marsyas mais comme lui perdant son sang d'une blessure au flanc, dans un paysage aux croix dressées. Dans l'exposition du musée Fesch de 1999-2000, cette oeuvre était intitulée Autoportrait masque en roi sodomite. Le commissaire de cette exposition, Michel Griscelli, le décrivait ainsi : «Autoportrait masqué de l'artiste en bandeur assidu, éperdu, le corps du Roi sodomite est sculptural et joyeux, ridicule et touchant. Maladroit, empêtré dans sa chair de cire coagulée, il veut devenir volume, s'extraire à toute force des feuillets aboutés et du dépôt bistre de suie, esquissant un pas de danse dont le soulèvement le rend plus lourd encore. La difformité de son anatomie, ses aspérités, ses ressauts impriment sur sa peau les souillures de la fornication. C'est un silène [comme Marsyas] à double sexe dont celui qui darde se tient prêt à chevaucher, cherche à ne pas faillir, mais bien à saillir d'un espace à deux dimensions qui n'est plus à sa mesure, qui a cessé d'être "vibratoire" avant même que de commencer à l'être» ("Le domaine des corps", in Marcheschi - Dante Riveder le stelle, Musée Fesch, Ajaccio, 1999).
Puis vient Le damné (Chute d'un corps)* (1992, 2,70 x 3,80, Somogy p. 126),, lui-même référence à L'Inferno (I). Il appartient, comme tous les tableaux de cette salle, à La Séquence des corps (1992-1993).