modifiée le mercredi 2 octobre 2013, 19 h 44Mardi 11 avril 2000, neuf heures du soir. Pas mal d’agitation dans mon petit train-train quotidien (que j’aime tant).
Avant-hier dimanche le critique de Libération, Stéphane Bouquet, donc, gentil, peu loquace, réservé — je ne serais pas surpris que fasse partie de sa déontologie professionnelle une certaine distance gardée (mais tout à fait courtoise) avec les auteurs sur lesquels il a l’intention d’écrire ; ce serait d’ailleurs parfaitement compréhensible et justifié. Déjeuner excellent (à mon avis) au Bastard, visite partielle de Lectoure, promenade à Magnas, encore une, malheureusement le temps est bas et même nous prenons la pluie, entre la fontaine et la tour. En fin d’après-midi j’ai accompagné Pierre à la gare de Valence-d’Agen car le lendemain, hier lundi, il commençait à subir les épreuves de l’agrégation.
Beaucoup d’expéditions vers les gares, donc : avant le déjeuner de dimanche, j’étais allé chercher Stéphane Bouquet à la gare d’Agen, et hier je l’y ai reconduit. Entre temps, outre ce déjeuner et la promenade que j’ai dite, dîner en tête à tête, un peu laborieux car nous sommes aussi peu bavards l’un que l’autre. Lui ne s’est un peu détendu que tout à fait in fine, pour me parler, mais seulement en réponse à mes questions, d’un livre de lui qui doit paraître l’année prochaine chez Champvallon et qui portera ce titre étrange En l’année de cet âge. C’est la transcription un peu approximative, m’explique-t-il, du in anno aetatis qu’on trouvait sur les tombes romaines — et sur certains autels votifs comme ceux que nous avions vus la veille au musée de Lectoure. La formule resurgit sur les tableaux de la Renaissance, et perdure avec plus ou moins de succès jusqu’à la fin de l’âge classique, il me semble. Il est beau de lui redonner vie, si l’on peut dire (redonner mort ?).
Peut-être le visiteur estimait-il qu’il était en droit de se montrer un peu plus personnel, à ce stade de sa visite, car il avait alors accompli la tâche professionnelle qui l’avait amené, un entretien presque “officiel” entre lui et moi. Je viens d’en corriger la transcription, ce qui m’a pris la plus grande part de cette après-midi. Mais enfin je ne vais tout de même pas me plaindre — pour une fois que la presse s’intéresse un peu à moi...
Cette après-midi aussi, entretien téléphonique avec une jeune femme de Lire. Je pars demain pour Paris afin d’y débattre avec Richard Millet sous la houlette d’Alain Finkielkraut. Après-demain jeudi à onze heures, rendez-vous au café Beaubourg avec Marc Weitzmann, des Inrockuptibles, qui m’a appelé vers six heures. Il dit que certains passages du journal l’interpellent, tel est son mot, et je me demande un peu ce qu’il veut dire par là, exactement. Je ne suis pas un fanatique des Inrockuptibles, que je connais à peine, et eux ne sont pas des fanatiques de moi, c’est le moins qu’on puisse dire. Ils me traitaient jadis de “balladurien”. Il se pourrait bien qu’ils passent à des qualificatifs moins replets. Nous verrons.
Il y a longtemps que ma prose n’a pas suscité tant d’intérêt — peut-être n’est-ce même jamais arrivé. Je crains que ce ne soit moins dû à ses mérites éventuels, et aux miens, qu’au parfum de scandale que nous commençons à dégager, elle est moi. On s’interroge beaucoup sur les raisons du changement d’éditeur, pour La Campagne de France. Sur ce point, je renvoie à Paul — c’est lui qui a pris la décision. Mais il est un peu ironique que la presse commence à éprouver un peu de curiosité pour le journal précisément au moment où il n’est plus édité chez P.O.L.
Je me suis tout de même arrangé pour faire un important ajout aux Vaisseaux : trente-cinq paragraphes, dont la plupart étaient déjà écrits, il est vrai. Ils étoffent l’arborescence du paragraphe premier de P.A., Ne lisez pas ce livre ! Tel doit être le titre de la première livraison imprimée des Vaisseaux, qui paraîtrait chez P.O.L. à la rentrée. Nous envisageons d’en donner une par mois. À raison d’une livraison par paragraphe, et de douze livraisons par an, nous en avons pour un petit siècle.
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Cette garce de B.N.P. a refusé le prélèvement Renault, comme au bon vieux temps. Mon compte étant exemplairement tenu depuis six mois, et mon découvert ne dépassant pas onze mille francs après plusieurs entrées de plusieurs dizaines de milliers de francs entre septembre dernier et maintenant, cette attitude me semble vraiment mesquine. Mais je ne m’inquiète pas trop, car j’attends cent vingt mille francs de Fayard, neuf mille de Beaubourg pour mes lectures de janvier et deux ou trois mille francs du métro toulousain pour ma participation à deux réunions de jury.
Cependant tout le monde paie horriblement mal. Pas Fayard, qui est d’une extrême promptitude dans les règlements, au contraire — de même d’ailleurs que la P.O.L., lately. Non, je pense aux institutions publiques, ou semi-publiques. Après deux mois de silence de sa part, il a fallu commencer à relancer le Centre Pompidou. Quant à la société du métro toulousain, appelée après des semaines d’attente, elle fait état de factures très compliquées qu’il me faudrait lui envoyer, et dont pas une seconde il n’avait été question plus tôt.
Tous les jours on guette un peu d’argent au courrier. Et comme rien n’arrive on commence à se manifester timidement auprès des organismes débiteurs, après avoir attendu le plus longtemps possible pour n’avoir pas trop l’air d’un quémandeur. On s’aperçoit alors que le processus n’est même pas engagé, et qu’il ne l’aurait sans doute jamais été si l’on n’avait rien fait.
voir l’entrée du mardi 11 avril 2000 dans Le Jour ni l’Heure◎
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