sans dateMercredi 14 juin 2000, midi. Accélération de l’histoire. Recopiant les soi-disant “extraits” de La Campagne de France donnés dans Marianne pour accompagner l’article de Jamet, je me suis aperçu qu’ils ne coïncidaient pas avec le texte publié en mars (et retiré en avril). Et je me suis aperçu aussi, un peu plus tard, que le texte de Marianne était celui du manuscrit de la Campagne, tel que soumis aux éditions P.O.L en septembre dernier (et refusé par elles) — ce qui paraîtrait confirmer, à première vue, une rumeur insistante selon laquelle tous mes ennuis et la campagne contre moi seraient partis de l’intérieur des éditions P.O.L.
Téléphonage à Paul Otchakovsky, donc, qui répond de ses troupes et de leur loyauté. Paul est tout de même troublé, et m’annonce qu’il va se livrer à une enquête. Deux personnes chez lui ont eu le manuscrit entre les mains, deux personnes qui sont très hostiles à ce texte, ainsi qu’à moi. D’autre part il a été montré à un avocat, Me Rappaport. Mais Paul me demande si je l’ai soumis à d’autres éditeurs que Fayard, après qu’il l’avait lui-même refusé. Et en effet le texte a été porté chez Gallimard, pour Sollers qui n’en a jamais accusé réception — Sollers qui m’appelle aujourd’hui « un écrivain moyen et au-dessous du moyen » mais qui, en 1993, m’écrivait pour me dire combien il serait heureux de publier mon journal, de sorte que je m’étais adressé tout naturellement à lui.
Ce sont là de bien grands mystères, et du plus haut intérêt policier.
Tout le monde autour de moi est de l’avis qu’il faut poursuivre Marianne pour l’article Renaud Camus, l’homme qui n’aimait pas les juifs. Mais comment paierais-je un avocat ? Celui qui m’avait écrit pour me manifester son soutien, et que j’ai appelé hier, ne m’a pas rappelé. On ne sait jamais dans ces cas-là si les secrétaires ont bien transmis votre message et bien pris votre nom. Mais tout de même on n’ose pas rappeler, crainte de tomber dans le rôle ridicule du fâcheux insistant.
Un autre avocat s’était bien proposé, ou plutôt sa sœur l’avait proposé. Mais il appartient au barreau de Clermont. Et je ne suis pas sûr que ce soit l’idéal pour une plainte en diffamation contre un hebdomadaire national.
Au milieu de ces débats, doutes et troubles divers, se présente à mon huis un huissier, ce matin, porteur d’un gracieux petit exploit : commandement de payer. Il s’agit des suites de l’affaire dite “de la directrice”, celle que j’avais engagée il y a quatre ou cinq ans pour superviser les activités culturelles de Plieux, les expositions, le festival, les colloques. Quelques semaines m’avaient suffi pour m’apercevoir qu’elle ne ferait pas du tout l’affaire. Croyant qu’elle était à l’essai, je l’avais licenciée sans y mettre toutes les formes requises, apparemment. Elle nous a traînés devant les Prud’hommes et elle a gagné son procès. L’association des Amis du Château de Plieux lui doit encore soixante-treize mille francs. Et voilà que cette somme m’est réclamée à moi, en tant que président au moment des faits. « Payable sous huit jours... » Il ne manquait plus que ça.
Il faudrait d’urgence tirer quelque argent de la vente de Corbeaux. Mais plus aucune nouvelle des P.U.F. Sur la recommandation de Rémi Soulié, j’ai envoyé hier le manuscrit à Pierre-Guillaume de Roux, qui dirige les éditions des Syrtes.
En revanche, la situation paraît se dégager un peu du côté de Fayard. Il n’est plus question de “censurer les blancs” — j’ai bien fait de résister fermement. Toutefois on m’a demandé encore de nouveaux retraits. J’ai dû y consentir, en échange du maintien des blancs, qui m’importait davantage. Après tout, plus les censeurs enlèvent de texte, plus leur censure apparaît intolérable, et attentatoire à la liberté de penser. Il y aura tout de même bien, espérons-le, quelques personnes pour comparer le texte de la première version avec celui de la deuxième ; et pour constater, donc, à quel point la plupart des retraits sont absurdes, et portent sur des passages qui ne menacent en rien l’ordre public (ou alors ce serait que tout le menace).
J’ai encore émis la possibilité de faire disparaître mon nom de la couverture — une perspective que je trouve de plus en plus attirante. Mais on y est tout à fait opposé rue des Saints-Pères.
voir l’entrée du mercredi 14 juin 2000 dans Le Jour ni l’Heure◎
Ce bouton permet de se déplacer rapidement dans le site de Renaud Camus. masquer les messages d’aide |
Ces boutons fléchés permettent de consulter les différentes entrées du journal de Renaud Camus. Les autres boutons vous proposent diverses options. Survolez-les avec la souris pour en savoir plus. masquer les messages d’aide |