sans dateVendredi 23 juin 2000, dix heures du matin. Évidemment, si nous commençons à trouver que tout le monde se conduit mal à notre égard, et tout le monde de la même façon, il semble de bonne gestion mentale de nous demander si le tort ne serait pas de notre côté, et si ce n’est pas nous qui créons le problème...
Récapitulons. Je passe une heure au téléphone, il y a trois semaines, avec le directeur des P.U.F. à lui parler de Corbeaux et nous envisageons l’un et l’autre la publication très rapide, par ses soins, de ce livre et de son éventuel jumeau, L’Affaire Camus. Cela implique évidemment une très grande rapidité d’action, et nous convenons que je vais lui envoyer par e-mail, en “fichier joint”, le manuscrit. Rien n’est précisé très strictement mais il me semble aller sans dire, étant donné le contexte de la discussion, que ce monsieur va me dire, disons dans les quarante-huit heures, s’il est intéressé ou non. Or j’attends toujours sa réponse, mais j’imagine à présent qu’elle ne viendra plus.
À cause du silence des P.U.F, j’écoute la suggestion de mon ami Rémi Soulié qui, lui, est en relation avec les éditions des Syrtes, auxquelles j’envoie le texte. Cette fois, il est expressément question d’une réponse sous quarante-huit heures. Or il y a dix jours de cela. Et de nouveau aucune nouvelle.
Certes j’ai tendance à penser que ces gens se conduisent bien mal. S’ils ne sont pas intéressés, ce que je comprendrais parfaitement, ils pourraient au moins se donner le mal de me le signifier. Mais ce qui me trouble, c’est la similitude de leur attitude. Est-ce que c’est ce malheureux petit livre qui les met dans cette curieuse catatonie ? Est-il si scandaleux qu’avec son auteur on ne saurait avoir aucune relation, même pas lui passer un coup de téléphone ? Paraît-il si dangereux que n’importe quel éditeur, l’ayant lu, n’a rien de plus pressé que de l’oublier aussitôt, et son auteur avec ?
Peut-être ces messieurs le trouvent-ils surtout exécrable. D’autant qu’ils en ont eu une version mal dégrossie, ou plus exactement pas dégrossie du tout — pas le genre de choses qu’on envoie d’habitude à un éditeur, mais ils étaient prévenus. Mais même ce motif-là ne saurait rendre compte de leur silence.
Pour me remonter le moral m’arrive un numéro déjà ancien de La Quinzaine littéraire, qui contient le texte de Dominique Noguez, dont j’ai déjà dit un mot. Noguez me l’avait fait envoyer à Paris, et Pierre, qui a couché dans mon studio du front de Seine en rentrant de Châlons-en-Champagne, me le rapporte. J’y trouve l’article de Noguez, que je connaissais déjà, mais aussi le Journal en public, de Maurice Nadeau lui-même, qui m’avait échappé.
On ne peut rien imaginer de plus méprisant à mon égard. Nadeau explique qu’il n’y a pas lieu de s’attarder sur “l’affaire Camus”, qui n’a aucune importance parce que je n’ai, moi, aucun intérêt.
« Je le connais pour son exhibitionnisme et son goût de la provocation. Ce qu’on lui reproche relève de cette bêtise dont ici même Louis Seguin taxait les “négationnistes”. L’attaquer en justice parce qu’il est idiot n’est pas non plus très intelligent. Voici Renaud Camus, qui ne s’est jamais fait lire que pour le récit de ses galipettes, promu champion de la “liberté d’expression” ! […] Tenir La Campagne de France pour nul et non avenu, c’est notre façon de dire à nos lecteurs : ne gaspillez ni votre temps ni votre argent, il paraît tant de livres beaux et intéressants, agréables à lire. »
À l’occasion de cette affaire, le loup sort du bois. Elle m’est l’occasion de savoir exactement ce qu’on pense de moi, depuis vingt-cinq ans, dans le “milieu littéraire”. Eh bien j’aurais dû m’en douter, on n’en pense pas grand-chose : exhibitionnisme et goût de la provocation, récit de galipettes, bêtise, idiotie, totale insignifiance, en somme. « Nul et non avenu ». Passez votre chemin, bonnes gens. Ne lisez pas ce livre, non plus que cet auteur.
Cette idée de soi-même n’est pas habitable (si elle est juste, ma vie n’a aucun sens, autant en finir tout de suite). Mais elle n’est pas non plus totalement écartable (ne serait-ce pas folie de ne pas en tenir compte, de ne pas envisager, au moins, la possibilité de sa justesse, alors qu’elle est si répandue, presque universellement acceptée, même, à quelques variantes près (celle que propose Claude Durand n’est pas très éloignée, même si l’éclairage, forcément, est un peu plus flatteur) ?).
On s’avance entre deux délires : mégalomanie et haine de soi. Et comme dit l’autre, ce n’est pas incompatible. Mais le cheminement est ardu. Heureusement qu’est revenu M. Pierre, lui dont l’ange chargé de construire ma voie / Allège mon destin.
voir l’entrée du vendredi 23 juin 2000 dans Le Jour ni l’Heure◎
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