sans dateLundi 26 juin 2000, dix heures et demie du soir. Pierre vient de partir pour Toulouse. Il doit y subir plusieurs oraux de préparation pour l’agrégation, avant les vrais, qui l’attendent la semaine prochaine à Paris. Nous nous retrouverons samedi sur le front de Seine, si tout va bien. Pour ma part je prends la route demain, afin de déjeuner mercredi avec Alain Finkielkraut et Paul, qui lui commande un livre sur l’affaire ; après quoi, toujours grâce à Paul, j’ai rendez-vous avec Me Jean-Denis Bredin, pour lui demander conseil quant à l’attitude à suivre à l’égard de Marianne — attaquer en diffamation ou pas ?
Aucune nouvelle de Pierre-Guillaume de Roux, qui se comporte donc exactement comme Michel Prigent avant lui. Farid et Flatters estiment l’un et l’autre que Corbeaux est le livre essentiel, qu’il faut réussir à tout prix. Mais à quoi bon le “réussir”, s’il n’a pas d’éditeur ?
Flatters dîne ce soir, chez lui, avec l’un des personnages secondaires de “l’affaire”, que je lui ai présenté, qu’il a retrouvé samedi à la Gay Pride, et pour qui il semble se prendre d’une passion foudroyante, laquelle pourrait bien, d’après les échos qui m’en parviennent d’autre part, être tout à fait réciproque. Ne serait-ce pas ce qui pourrait arriver de plus plaisant ? À quoi aurait servi “l’affaire Camus” ? À caser Flatters !!!
D’autre part, moins plaisant, j’ai sous les yeux une chronique du médiateur du Monde, Robert Solé, parue samedi dans le numéro daté des dimanche 25 et lundi 28. Elle est intitulée Mots de braise. Claude Durand, optimiste, l’interprète comme un début d’autocritique, de la part du Monde. Robert Solé rappelle en effet que je me suis vu refuser début mai un texte dans lequel j’affirmais (il cite) : « J’assume absolument ce que j’ai écrit. […] Quant à “antisémite”, voilà un mot dont il serait urgent de définir les contours, puisqu’il suffit de l’accoler à quiconque pour éliminer cette personne à jamais. » « Le directeur de la rédaction, commente le médiateur, a estimé que Le Monde ne pouvait donner l’impression de cautionner de tels propos et devait garder la maîtrise du débat en interviewant Renaud Camus. Il s’est écoulé cependant près d’un mois entre le refus de son texte et la publication de l’entretien (Le Monde du 1er juin). Ce délai — fâcheux — a valu auMonde des accusations de censure, y compris dans ses propres colonnes, puisque le débat continuait par personnes interposées... »
On apprend donc au passage que Le Monde estime « ne pouvoir donner l’impression de cautionner » le souhait d’une définition plus précise du qualificatif antisémite, définition plus précise qui continue de me paraître bien nécessaire, pourtant, étant donné la terrible puissance destructrice de ce terme (on l’a bien vu). Émettre un tel vœu, pourtant bien raisonnable, il me semble, c’est ce que Le Monde appelle « franchir la ligne jaune » — et il n’en faut pas plus, officiellement, pour se voir fermer ses colonnes.
L’article continue avec des considérations intéressantes, souvent inspirées par les lecteurs eux-mêmes, sur les différences de traitement entre les diverses religions et communautés. « On peut bouffer du curé à longueur de journée, pourquoi tout ce qui est juif serait-il intouchable ? » demande un M. François Jourdier, de Toulon. À quoi Robert Solé réplique que ces différences de traitement, qu’il ne nie pas du tout, s’expliquent bien entendu par l’histoire.
Me frappe davantage, et plus désagréablement, la lettre citée d’un dame Isabelle Jan, de Paris : « L’écrivain Renaud Camus possède sûrement un sens aigu de la publicité, mais comme Le Monde lui sert bien la soupe ! » Ah ça, le sens aigu de la publicité, voilà un compliment ou un reproche auquel j’avais échappé pendant un demi-siècle ! Et pour un sens aigu, le moins qu’on puisse dire est qu’il se manifeste bien tard, chez moi. Mais l’expression servir la soupe signe l’ensemble, je suppose, et précise utilement le niveau d’intervention...
Tout cela n’est rien. Claude Durand m’annonçait hier une nouvelle charge ennemie, menée cette fois par Claude Lanzmann. Elle devait se manifester aujourd’hui. Je n’ai rien vu venir. Ce sera sans doute pour demain. Elle aura la forme d’un article dans Le Monde, bien entendu — dans ce même Monde qui refusait une fois encore le deuxième article de Flatters, la semaine dernière, au motif que “l’affaire Camus” n’intéressait plus personne ! Et de toute façon il n’y aurait pas de place avant la fin de cette semaine-ci, si tant est qu’il y en ait alors ! Mais pour Claude Lanzmann, et s’il s’agit de m’attaquer, nul doute qu’on en trouve facilement, et sans délai...
voir l’entrée du lundi 26 juin 2000 dans Le Jour ni l’Heure◎
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