créée le lundi 15 juillet 2013, 0 h 20
modifiée le lundi 15 juillet 2013, 11 h 49Dimanche 14 juillet 2013, quatre heures et demie, l’après-midi. J’ai eu un moment d’affolement, hier soir, à propos de l’affaire de Brétigny-sur-Orge : pas la catastrophe ferroviaire, sur laquelle il y a à peu près unanimité, encore que ses causes demeurent bien mystérieuses — non : l’histoire effroyable des jeunes Sensibles (ce ne pouvaient être que des Sensibles…) se précipitant pour détrousser les cadavres et les blessés et jetant des pierres sur les secouristes, pompiers et ambulanciers. Sous le coup de l’émotion et de l’indignation, de l’horreur, même, les in-nocents, à mon instigation, avaient presque aussitôt fulminé un communiqué comminatoire (n° 1607 : Sur Brétigny-sur-Orge et l’urgence d’en finir), appelant cette fois carrément au divorce, rien de moins : abjectes exactions, silence et tentatives d’étouffement, deux castes régulatrices et complices, la médiatique et la politique, et même une référence, sans doute assez obscure pour les non-initiés, au faussel, ce règne du faux, ce double inversé du réel.
Il y avait en effet, dans l’affaire telle que nous la percevions, trois couches de phénomènes, par ordre croissant de gravité politique : d’abord l’accident lui-même, si c’est bien un accident (grave, certes, mais enfin tel qu’il s’en produit de comparables tous les cinq ou dix ans) ; ensuite l’intervention des détrousseurs de cadavres et lapideurs de secouristes (ignoble, et effroyablement révélatrice de l’état véritable de la société à l’heure du changement de peuple et de la colonisation) ; enfin, troisième strate, le silence des deux cliques, la médiatique et la politique, sur la deuxième strate d’événements, plus importante pourtant que la première (ce silence sert à la défense du faussel, le règne du faux, le faux réel, qui eût été gravement compromis par la révélation et l’aveu de scènes aussi éclairantes).
Oui, mais qu’est-ce qui était vrai ? Le faussel, ce réel dans lequel il ne se serait rien passé, sauf un accident de chemin de fer, tragique mais somme toute assez banal, le faussel était-il vraiment faux ? Au journal télévisé du soir, pas un mot du détroussement de cadavres, pas un mot d’un quelconque “caillassage” — terme que je répugne à employer, d’ailleurs, car c’est adopter déjà le langage de l’ennemi ; tout juste une vague allusion à certaine “rumeur”, donnée implicitement comme sans fondement, bien entendu.
Bigre, est-ce que nous aurions tiré trop vite, et plus vite que notre ombre, celle d’un doute ? L’effrayant, rétrospectivement, c’est que cette histoire de naufrageurs, de morticoles, de vermine se précipitant sur les morts et sur les mourants, cette histoire tellement déshonorante pour ses protagonistes actifs puisqu’elle les montre, eux, les colonisateurs, les conquérants, comme sans foi ni loi, sans vergogne aucune, dépourvus de la plus élémentaire référence au moindre code du bien et du mal, cette histoire nous arrange, “quelque part” : elle nous paraît vraisemblable, bien dans la ligne des épisodes précédents ; nous ne demandons qu’à la croire, nous sommes même impatients de la recevoir pour vraie, peut-être pour la simple raison que tout est permis désormais, contre la sorte d’adversaire qu’elle dépeint.
Au comité de rédaction du parti, l’après-midi, sur le Net, quelqu’un — Francis Marche — avait demandé si nous n’allions pas trop vite en besogne, si nous étions bien sûrs de notre affaire ? À vrai dire cet appel discret à surseoir procédait moins de la prudence ou de la “déontologie de l’information”, je crois, que de la crainte de laisser échapper, en publiant trop vite notre communiqué, un possible rebondissement de l’enquête, encore plus sensationnel : la nouvelle que ce n’était pas à un accident qu’on avait affaire mais à un attentat délibéré ; et même qu’il y avait un lien entre sa perpétration, à cet endroit précis, et l’intervention ultra-rapide des naufrageurs ferroviaires. Cette nouvelle n’est pas venue, faut-il l’écrire : ni par les canaux officiels, ceux des gestionnaires du faussel, ni par ceux de la réinformation, comme on dit sur Radio Courtoisie.
Quoi qu’il en soit, hier après-midi, j’avais écarté la suggestion d’attendre un peu, en mettant en avant la nécessité d’agir vite, au contraire. Et maintenant, hier soir, je me demandais si je ne m’étais pas comporté, en ce rencontre, exactement comme je reprochais à mes adversaires de le faire, lorsque, emportés par la passion idéologique et par la pulsion mimétique, ils parlent sans savoir ce qu’ils disent, sans s’être suffisamment informés (pour m’accuser d’antisémitisme, par exemple). Aujourd’hui cette inquiétude s’est un peu apaisée. Si nous nous sommes trompés, si nous avons pris nos désirs pour l’horrible réalité, du moins ne l’avons-nous pas fait seuls, et l’eau continue-t-elle, ce matin, cette après-midi, d’affluer à notre moulin. Toutefois ce ne sont pas là, en faveur de la vérité, des arguments tout à fait décisifs. Nous avons pu nous laisser emporter imprudemment par un frisson webmatique, céder à une légende urbaine instantanée. Si nous sommes tombés dans un panneau de ce genre, il nous faudra le reconnaître. Je le ferai très volontiers et d’abord en mon nom propre, car je serai le principal responsable. Cela dit nous n’en sommes pas là. Et les deux castes régulatrices de l’information sont encore plus coupables qu’elles ne l’étaient hier si elles continuent de peser de tout leurs poids pour que soient étouffées les vérités auxquelles en toute bonne foi, mais peut-être avec trop d’impatience, nous avons cru.
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Pierre a accroché mon Grand Aleph jaune à peine sec dans la première salle des Gardes, en bas, là où se trouvait jusqu’au printemps dernier le panneau droit du triptyque d’Emmelene Landon. Je vais me mettre de ce pas à un Grand Aleph rouge, pour l’emplacement central — nous remplaçons un triptyque par un autre en somme, ou plutôt par trois tableaux de la même série (ce seront les Aleph IX, X et XI).
Dans la salle des Pierres, au premier étage, en prolongement de la “frise” du haut, face aux fenêtres, ont été accrochées aussi trois petites Couvertes de cet hiver (60 × 60) : deux autres Aleph, le Petit Aleph noir et le Petit Aleph rouge (VII & VIII), et l’YHWH 25, noir et bordeaux. L’Aleph VI (Petit Aleph jaune) est celui de Claude Durand — je m’embrouille un peu, mais les albums Flickr permettent de maintenir un certain ordre dans ces classifications complexes : le Grand Aleph Jaune (Aleph IX) est la Couverte 100 × 100 n° 35 (je crois : c’est un vrai casse-tête, à cause des différences de taille).
voir l’entrée du dimanche 14 juillet 2013 dans Le Jour ni l’Heure
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