créée le jeudi 18 juillet 2013, 16 h 40
modifiée le jeudi 18 juillet 2013, 19 h 10Jeudi 18 juillet 2013, onze heures du matin. Je n’ai jamais lu l’Histoire des variations des Églises protestantes, de Bossuet. J’ai une vague excuse : cet ouvrage n’a pas été réédité depuis 1921. Or, Claudel, en 1927, écrit :
« Si un seul livre de notre littérature devait subsister pour témoigner devant le monde de ce que furent la langue et l’esprit français, ce serait l’Histoire des variations que je choisirais ».
Quoi, un seul livre, et celui-là plutôt que les Essais, que les Confessions, que les Mémoires d’outre-tombe, que Choses vues, que la Recherche (que Claudel ne risquait pas de choisir, soit) ? On se dit que M. l’ambassadeur délire, que la passion catholique l’égare, et peut-être anti-protestante. Mais Gabriel Monod, de la fameuse dynastie protestante, à propos du même ouvrage :
« Je l’avais pris avec une curiosité méfiante et malveillante. […] Quelle ne fut pas ma surprise en y trouvant une œuvre encore éclatante de vie et de jeunesse ! »
Et Ferdinand Brunetière, qui n’est pas la moitié d’un crétin (selon une expression ambiguë que je n’ai jamais bien comprise) :
« On n’a pas écrit de plus beau livre en notre langue ».
Carrément. C’est troublant, tout de même.
Je m’occupe (un peu) de Bossuet pour mes Demeures, à propos du palais épiscopal de Meaux (un assez bon musée de peinture, mais où l’Aigle n’est guère présent). Dans l’oraison funèbre du Grand Condé, je tombe sur cette phrase familière :
« Agréez ces derniers efforts d’une voix qui vous fut connue : vous mettrez fin à tous ces discours ».
Si elle m’est si familière, il est vrai, c’est plus encore par les Mémoires d’outre-tombe que par Bossuet. Ce que dit Wittgenstein des lieux (mais il s’agit des lieux de l’esprit) s’applique tout aussi bien aux phrases, aux significations, aux opinions :
« Vous arrivez par un côté, vous vous y reconnaissez ; vous arrivez au même endroit par un autre côté, vous n’y reconnaissez plus rien » (Investigations philosophiques, 203).
Ce n’est pas que je n’y reconnaisse plus rien, à cette phrase, c’est qu’elle a beau être la même elle est tout à fait une autre, chez cet auteur-ci et celui-là. Dans les Mémoires d’outre-tombe elle est prononcée par un corbeau, il est vrai. C’est le passage fameux où il est question du dernier curé franco-gaulois. J’ai scrupule à citer ces lignes une fois de plus (comme l’apophtegme wittgensteinien), mais il y a peut-être deux ou trois lecteurs de “Boulevard Voltaire” qui ne les auraient pas en tête ; or elles sont une des plus justes et des plus belles évocations qui soient de la France d’après la France, et du changement de peuple — elles sont d’ailleurs placées, sous le texte de Fanon que je citais hier, en épigraphe à mon Grand Remplacement :
« Des peuplades de l’Orénoque n’existent plus ; il n’est resté de leur dialecte qu’une douzaine de mots prononcés dans la cime des arbres par des perroquets redevenus libres, comme la grive d’Agrippine gazouillait des mots grecs sur les balustrades des palais de Rome. Tel sera tôt ou tard le sort de nos jargons modernes, débris du grec et du latin. Quelque corbeau envolé de la cage du dernier curé franco-gaulois dira, du haut d’un clocher en ruine, à des peuples étrangers, nos successeurs : “Agréez les accents d’une voix qui vous fut connue : vous mettrez fin à tous ces discours” [c’est moi qui souligne].
« Soyez donc Bossuet, pour qu’en dernier résultat votre chef-d’œuvre survive, dans la mémoire d’un oiseau, à votre langage et à votre souvenir chez les hommes ! »
Hélas, je crains qu’il n’y ait plus guère de curés franco-gaulois, et que la mémoire de nos oiseaux ne fasse pas beaucoup de place à Bossuet… Pour les clochers en ruine, en revanche, et ne rien dire des peuples étrangers, nous n’aurons aucun mal à assumer la prédiction.
*
Farid a décidé d’abréger son séjour. Bien qu’il demeure très souriant, je crois l’avoir vexé, ou pis, blessé, en lui conseillant avec insistance la structure, et de structurer sa vie : pour le sommeil, pour les repas, pour les journées, les nuits, le travail.
Pierre estime toutefois que le départ de F. n’a rien à voir avec cela. Il est vrai que le séjour ici est un peu rude, surtout quand on n’a pas de voiture, car il n’y a strictement rien à faire — aucune distraction extérieure possible, sinon la marche à pied dans une campagne torride (ce qui n’est pas son genre). Il faut donc avoir beaucoup de travail, beaucoup de cœur à l’ouvrage, ou beaucoup de ressource intérieure. Je voyais un peu l’endroit, en l’occurrence, comme une espèce de clinique du docteur Blanche, à Passy, ou du docteur Le Savoureux à la Vallée-aux-Loups. Mais je crains que mon traitement ou moi n’ayons été trop sévères.
F. s’était trouvé d’éventuelles amours toulousaines, sur la Toile et la fin. Hélas nous pouvions difficilement, Pierre et moi, en assurer la logistique…
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Jacques Dewitte m’envoie un long reportage de Mena, l’agence de presse israélienne, qui paraît confirmer tout à fait, à propos de Brétigny-sur-Orge, ce que le pouvoir remplaciste appelle une “rumeur”, pour mieux l’étouffer. Non seulement les caillassages de secouristes et les détroussements de cadavres et de blessés ont bien eu lieu, d’après l’agence de Métula, mais la volonté active d’empêcher autant que possible les informations de se répandre aurait été très méticuleusement mise en œuvre par le pouvoir. Les forces de l’ordre auraient reçu instruction de se taire, menace à l’appui. Quant aux riverains, ils savent trop bien à quels dangers ils sont immédiatement exposés pour oser dire ce qu’ils ont vu.
« Ce nouveau témoignage permet d’établir que Manuel Valls, Frédéric Cuvillier et le Préfet Fuzeau ont menti aux Français, qu’ils ont décidé de dissimuler un crime terrible, et que, pour parvenir à leur fin, en plus de mentir, ils n’ont pas hésité à corrompre des fonctionnaires de l’État, à brandir des menaces et à infliger des pressions sur d’honnêtes professionnels disant la vérité, dans le but unique qu’ils la taisent.
« Plus que cela, la situation générale décrite par notre intervenant dépeint un univers apocalyptique ignoré par la majorité de mes compatriotes, qui présente un état de délitescence mafieuse et de désagrégation sociale et sécuritaire auxquelles il est difficile d’imaginer des remèdes. Et contre lesquelles l’État de droit ne fait rien ou si peu, à part, peut-être, s’efforcer de cacher leur existence. »
Comme l’écrit très justement Marcel Meyer sur le forum public de l’In-nocence, de deux choses l’une :
« Ou bien la Ména raconte des sornettes, des bobards, de conspirationnistes histoires de sorcières, ou bien tout ça est vrai, comme le suggère aussi de son côté l’article du Point mis en lien plus haut. Et dans ce cas il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour contribuer à faire éclater ce qui serait un énorme scandale d’État. Les ramifications, les implications sont gigantesques... »
My view exactly.
voir l’entrée du jeudi 18 juillet 2013 dans Le Jour ni l’Heure
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