créée le dimanche 28 juillet 2013, 18 h 55
modifiée le lundi 29 juillet 2013, 11 h 04Dimanche 28 juillet 2013, midi. Jacques Dewitte m’envoie avant révision le texte d’une conférence qu’il a donnée le 15 juin dernier lors d’un colloque sur Camus à Marseille, sous le titre très bathmologique “Le non appuyé sur un oui. L’Homme révolté : un manifeste conservateur”. Dans la conclusion, il cite deux passages de discours prononcés en Suède par Camus à l’occasion de la remise du Prix Nobel, en 1957. L’un, bien connu, est extrait du fameux discours de Stockholm :
« Chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde. La mienne pourtant sait qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ».
L’autre, beaucoup moins répandu, est tiré d’un discours proféré quelques jours plus tard à l’université d’Uppsala :
« Oui, cette renaissance est entre nos mains à tous. Il dépend de nous que l’Occident suscite ces contre-Alexandre qui devraient renouer le nœud gordien de la civilisation, tranché par la force de l’épée. »
Cette citation me trouble parce que j’ai moi-même utilisé beaucoup plus banalement la référence au nœud gordien pour inviter à trancher celui des lois, règlements, traités, conventions internationales et directives européennes qui empêchent la France de résister à la conquête dont elle fait présentement l’objet, au changement de peuple et de civilisation. Ces contraintes juridiques de toute espèce forment un lacis inextricable qui laissent notre pays pieds et poings liés et bouche cousue face à l’horreur qui lui est infligée, le Grand Remplacement, et le laisse ville ouverte devant la colonisation en cours. Il me semblait, il me semble encore, que seul un grand coup d’épée, sous la forme d’un vaste chantier juridique rondement mené, pouvait rendre à la nation et au peuple la liberté de se défendre et de protéger leur identité, leur indépendance, leur être même. Trancher le nœud gordien, dans ces conditions, me semblait une expression et une figure baignées d’ondes très positives. Et voilà que Camus, par la voix de Dewitte, vient nous encourager à faire tout le contraire…
Bon, il ne s’agit que d’images, et qui n’interviennent pas nécessairement au même moment du processus souhaitable. Après tout la formule fameuse du prince Salina, dans Le Guépard, tout changer pour que tout reste la même chose, paraît bien prendre en compte une contradiction du même ordre, qui ne fait que refléter la relative impuissance du langage et du concept à adhérer pleinement, en tout point, au fourmillement granuleux de la réalité et de l’exigence historique — je dis relative, parce qu’on peut toujours segmenter davantage une ligne droite afin de le lui permettre d’épouser plus exactement une courbe, un virage et même une épingle à cheveux.
Je suis toujours étonné par la popularité quasi générale, même à droite, de l’idée de changement, alors que le changement, depuis un demi-siècle au moins, n’a guère amené que des renoncements et des désastres, la mise à sac de la planète et le réensauvagement du monde. J’ai déjà relevé ma croissante sympathie pour la vieille femme de Syracuse qui seule contre tous priait pour la conservation de Denys le Tyran, au motif que tous les changements d’homme à la tête de la cité, jusqu’alors, n’avaient été que pour le pire. Et pourtant même nous, les conservateurs — conservateurs du paysage, de la langue, de la culture, de la civilisation, de la nation, de la race, de l’idée de l’homme, du patrimoine, etc. —, nous ne pouvons pas souhaiter la conservation de ce qui est, si gravement perverti que c’est, déjà, par la déculturation, par l’immigration de masse, le vandalisme, la nocence, l’enseignement de l’oubli et l’industrie de l’hébétude. Mettre fin aux flux migratoires n’est pas assez, par exemple : il nous faut impérativement les renverser. Arrêter la contre-colonisation en cours n’est pas suffisant : nous devons à toute force nous livrer à une contre-contre-colonisation. Protéger la nature contre de nouvelles atteintes ne saurait satisfaire : il importe de la restaurer dans ses droits (et par exemple de contraindre la science à refaire ce qu’elle a défait, et a nettoyer scientifiquement ce qu’elle a souillé). À quoi servirait de défendre l’École, lamentable ruine qu’elle est ? Il faut la rebâtir. Le titre de Dewitte dit tout : “un non appuyé sur un oui” (et réciproquement). Il n’y a de réalité que par strates (contradictoires).
« En effet Ateh était poète, mais les seuls mots d’elle qui nous soient parvenus sont les suivants : “La différence entre deux oui peut être plus grande que celle entre un oui et un non” » (Milorad Pavic, Le Dictionnaire khazar).
La bathmologie est la science politique par excellence.
Nous ne pouvons pas nous contenter d’être conservateurs, nous sommes contraints d’être réactionnaires — ce qui n’a rien, d’ailleurs, pour nous déplaire. Comment disait Muray, déjà ? Plutôt réactionnaires qu’actionnaires ?
C’est bien pourquoi l’un des noms possibles, implicites, impliqués, du parti de l’In-nocence c’est : Parti Réactionnaire Français.
voir l’entrée du dimanche 28 juillet 2013 dans Le Jour ni l’Heure
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