créée le jeudi 1er août 2013, 17 h 37
modifiée le samedi 3 août 2013, 23 h 28Jeudi 1er août 2013, dix heures et demie du matin. Grande journée mondaine à Plieux, hier, visite sur visite — en plus des visites à billet, veux-je dire, mais les deux espèces ne se sont pas trop chevauchées, heureusement. J’avais essayé de regrouper en un seul petit raout de fin de journée les deux entrevues d’ordre privé qui s’annonçaient, mais cette combinaison, relevant d’ailleurs d’une chimie sociale assez audacieuse (malgré Mme Lloan ajoutée en guise de liant), a échoué, soit que mes dames n’en aient pas compris la proposition, soit qu’elle ne leur ait pas agréé, soit encore, et c’est le plus vraisemblable, qu’elles ne l’aient pas reçue — elles étaient ici à quatre heures et demie.
C’étaient Mme Andrée Mansau, professeur émérite de littérature comparée à l’université de Toulouse et membre de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de cette ville, institution à ne pas confondre, a-t-elle précisé, avec l’Académie des jeux floraux, à laquelle, elle, roturière, ne saurait prétendre, nous a-t-elle expliqué en ne plaisantant qu’à moitié, car les sièges y sont pratiquement héréditaires, selon elle, et « réservés aux châtelains » (sic) ; et son amie et la mienne Mme Ricau-Hernandez, qui, entre beaucoup d’autres choses, préside à Lectoure aux destinées de l’association “Dialoguer en poésie”, sur laquelle elle m’a remis une abondante documentation. Mme Manceau voulait me voir à propos d’une communication qu’elle doit faire en septembre devant son académie à propos du neuvième volume de mes Demeures de l’esprit, Italie du Nord, les chapitres dont elle a choisi de traiter étant ceux qui sont consacrés entre ces pages à Pétrarque, à Canova et à Mariano Fortuny.
Mme Ricau-Hernandez parle de Zuloaga comme si elle venait de le quitter. Bon, il est mort en 1945, ce n’est pas la préhistoire. Mais dans mon esprit il est surtout l’auteur du fameux portrait d’Anna de Noailles et de celui, plus célèbre encore, de Barrès devant Tolède, qu’on admire au musée Lorrain, à Nancy — bref c’est un personnage sinon tout à fait “1900”, du moins assez nettement “1913” (l’année des portraits des deux amants) ; d’où l’effet de stupéfaction enchantée et de fascination qu’exerce sur moi de l’entendre évoquer comme quelqu’un qui vient vous voir chez vous et qu’on va voir à son atelier, auquel on dit ceci et qui vous répond cela, et qui vous entraîne (avec M. votre père) vers un petit restaurant où il a ses habitudes dans le quartier du palais royal, à Madrid, et où le cochonillo est succulent.
J’ai cherché en vain dans la bibliothèque, pour Mme Ricau-Hernandez, ce livre de Juan Benet que j’aime tant, L’Automne à Madrid en 1950, qui me semble tout exprès fait pour elle. Mais j’ai de plus en plus de mal à trouver les livres. Sur les rayonnages, ils ne sont jamais à la bonne distance : trop loin quand j’ai des lunettes, trop près quand je n’en ai pas. À moins que je n’aie prêté ce volume ? Pas mon genre…
Il paraît que la plus jeune des petites filles du peintre, avec laquelle Mme Ricau-Hernandez est en correspondance suivie, n’est pas trop contente d’avoir hérité du château de Pedraza de la Sierra, si beau, pourtant, au cœur de la Vieille-Castille — on est resté très basque, dans la famille, et elle aurait préféré la maison de Zumaia, aujourd’hui musée. Mais je vois que Pedraza abrite aussi un musée.
Davoudi m’a rappelé, juste après ce premier entretien de la soirée, que j’avais parlé, dans ma vie, à quelqu’un qui avait parlé à Flaubert : c’était Aurore Lauth-Sand, petite-fille de George Sand, et qui faisait visiter Nohant lorsque j’étais enfant.
Davoudi est bien sûr “le taliban du parti”, ainsi nommé pour la rigueur de sa ligne doctrinale en matière culturelle — son existence est pour moi très reposante : il me suffit de le laisser parler et surtout écrire, il exprime à peu près ce que je pense mais refoule plus ou moins, ensuite j’ai l’air très modéré par comparaison, et prêt à tous les accommodements idéologiques d’un politicard roublard.
Lui et une sienne amie tournent dans le pays, dont ils ont l’air fort satisfaits l’un et l’autre, sauf de Flaran, dont l’administration n’a jamais eu l’aval des raffinés, ni même le mien. Ils avaient retenu pour dîner une table à l’hôtel de Bastard, à Lectoure, mais notre “apéritif dînatoire” — chose et formulation assez ambiguës il est vrai, née de l’heure du rendez-vous, six heures et demie —, les a incités à transférer vers le lendemain, aujourd’hui, cette réservation. J’ai terminé à une heure et demie du matin l’entrée de journal qui précède, que je devais absolument envoyer à M. Cheyrouze pour “Boulevard Voltaire”. “Ravel au Belvédère” n’a pas avancé d’un iota. Le chien de la voisine m’a réveillé à cinq heures et demie. À neuf heures j’ai téléphoné à la gendarmerie de Miradoux. Le gendarme qui m’a répondu était poli, très compréhensif, et son ton paraissait impliquer que les histoires de chiens qui aboient, on lui en apporte dix par jour. Il m’a conseillé de m’adresser au maire. Je lui ai dit l’avoir déjà fait. Il a dit qu’il allait le rappeler. Tout ça ne servira certainement à rien mais m’a un peu calmé les nerfs.
Ah : au cours de notre échange il a fait un bref panorama des solutions qui s’offraient, parmi lesquelles celle d’abattre le chien, mot qui m’a fait vivement protester. Je ne souhaite bien sûr rien de pareil mais pense plutôt à un de ces colliers dont on m’a parlé et qui, à chaque aboiement, envoient à l’animal, non pas une décharge électrique, méthode encore trop rude, mais une odeur de citronnelle, que paraît-il les chiens détestent, comme moi celle de la mandarine (si des fois qu’il faudrait m’empêcher d’aboyer...).
voir l’entrée du jeudi 1er août 2013 dans Le Jour ni l’Heure
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