créée le lundi 24 février 2014, 19 h 33
modifiée le lundi 24 février 2014, 21 h 48Dimanche 23 février 2014, minuit et demi. Je vois que certains de mes amis, ou supposés “amis”, trouvent que l’article de Jérôme Dupuis que je citais hier ici même ne m’est pas assez favorable, ou même m’est défavorable en cela qu’il déplore, selon eux, que la partie civile n’ait pas eu recours à certains arguments qui auraient pu être d’un puissant effet contre moi. Ainsi l’avocat du Mrap ne fait-il pas état de la “défection” de Finkielkraut, qu’il lui aurait été facile de faire passer pour un désaveu, et donc pour un élément de preuve de ma culpabilité ; et ne songe-t-il pas non plus à informer la cour que le témoin Farid T. a lui aussi, comme moi, soutenu publiquement Marine Le Pen. Mais je ne suis pas sûr que Dupuis déplore ces abstentions. Il les constate et s’en étonne, voilà tout. Il n’y avait pas à espérer, ni même à souhaiter, qu’il prenne parti en ma faveur. Au contraire son ton objectif, détaché, neutre, impartial, ne met que mieux en valeur les quelques points positifs qu’il me permet de marquer, et qui, dans le contexte, sont inespérés.
Un autre avantage de cet article est qu’il donne les noms de certains protagonistes dont j’ignorais l’identité, et je le regrettais. Ainsi la présidente était Mme Anne-Marie Sauteraud. On s’inquiète autour de moi des jugements très positifs que je porte sur son attitude tout à fait correcte et parfaitement courtoise, cette appréciation favorable de ma part et ma gratitude sur ce point étant interprétées comme le signe de grandes illusions que j’entretiendrais sur l’issue du procès. Mais cette interprétation montre qu’on ne comprend pas mon point de vue. Si je me félicite du comportement formaliste, distancé, poli, de Mme la présidente et de la cour, ce n’est pas le moins du monde parce que j’en conclurais que ces magistrats sont bien disposés à mon égard. Au contraire : le seraient-ils mal, ce qui peut fort bien être le cas, ils n’auraient que plus de mérite à mes yeux à s’adresser à l’autre prévenu et à moi — d’ailleurs fort polis nous aussi, il va sans dire — sans agressivité, posément, tranquillement, et à nous laisser tout le temps, surtout à moi (mais Roche-Philarchein était libre de parler plus longuement s’il l’avait souhaité), de dire ce que nous estimions avoir à dire.
L’avocat du Mrap, lui, se nomme Me Pierre Mairat, et je vois qu’il est même co-président de cette association. Sans doute est-elle obligée pour cette raison de faire appel à ses services (bénévoles, officiellement, moyennant quoi il m’a tout de même demandé un remboursement de frais de justice, en plus de l’amende de cinq mille euros qu’il souhaite me voir infliger…), car — mais je reconnais que je ne suis peut-être pas très objectif… — il m’a semblé, objectivement, très mauvais.
D’abord il exsude la haine de tout son être, elle le congestionne, elle l’exorbite, elle le tuméfie, ce qui n’est pas très opportun pour un qui fait métier de la dénoncer incessamment chez les autres. Ensuite il ne fait pas très bien son homework, comme le démontre pertinemment l’article de Jérôme Dupuis : s’il n’a parlé ni de la défection de Finkielkraut ni du marinisme de Tali, c’est sans doute qu’il n’en avait pas connaissance. Mais surtout, ainsi que j’ai eu l’honneur de le lui faire remarquer, sa plaidoirie, nous avions tous l’impression de l’avoir déjà entendue dix mille fois. J’aurais pu l’écrire les yeux fermés en sifflotant. On jurerait une plaidoirie-type, écrite dans ses grandes lignes depuis un demi-siècle et plus, et dont ce paresseux sûr de lui se contenterait de cocher ou de laisser vacantes (mais surtout de cocher, car nous avons eu droit à toutes les parties obligées sans en sauter pas une) certaines cases, pour savoir exactement quels morceaux tout préparés il va égrener mécaniquement les uns à la suite des autres.
Ainsi il a fait référence aux morts de l’Affiche rouge, parce que c’était, vendredi dernier, le soixante-dixième anniversaire de leur supplice. Et sa manière de m’envoyer ce drame dans la figure, comme si j’en étais personnellement responsable, était tellement automatique, si affreusement bien rodée, si platement rituelle, si insultante pour les pauvres morts réquisitionnés une fois de plus pour ces basses œuvres, qu’on eût juré que cet homme consulte tous les matins d’un doigt distrait, en se levant, son agenda des exécutions d’otages et des meurtres racistes, pour savoir lequel il va placer en 123 B de sa diatribe assassine, préfabriquée en série industrielle.
J’ai l’intention de faire un petit livre, très petit — Discours à la XVIIe Chambre, ou bien Contre le Mouvement pour le Remplacement Accéléré du Peuple… — de l’allocution que j’ai prononcée en réponse à la sienne : non point telle que je l’ai articulée en effet mais telle que je l’avais préparée, notes à l’appui, en écoutant mon haineux contempteur : bien entendu j’ai oublié, en parlant, à peu près un tiers de ce que je voulais dire absolument. Par exemple je voulais corriger l’assertion de Me Mairat selon lequel j’aurais assimilé tous les “jeunes musulmans” à des soldats. Très clairement, je n’ai appelé soldats que les nocents. C’est Mairat qui procède à l’amalgame raciste, pour le coup, entre “jeunes musulmans” et “nocents”, et qui me le prête ; ce n’est certainement pas moi, ni en pensée ni en paroles. Mais lorsque Mairat a en face de lui un “jeune musulman” qui non seulement n’est pas nocent mais professe expressément un grand amour de la France et de sa culture, il le traite comme un chien et le traîne dans la boue pour n’être pas suffisamment conscient, lui explique-t-il du ton le plus méprisant, des crimes de la France, et pour n’en faire pas suffisamment état, lui, professeur de français, auprès de ses élèves.
À propos de cette mienne allocution finale, que j’ai l’intention de rétablir dans son état originel dans mon esprit, Dupuis commet une légère erreur : je n’ai pas, pour la prononcer, « demandé une dernière fois la parole » ; on me l’a proposée comme c’est l’usage, et de même qu’on l’avait offerte aussitôt avant moi à Roche-Philarchein : lui l’a refusée, je l’ai, pour ma part, acceptée.
Hélas, avant de m’attaquer à ce petit morceau d’éloquence reconstituée (et améliorée, j’espère), il faut absolument que j’en finisse avec les Demeures (10). Il reste deux textes et demi à écrire. J’ai vu dans une page d’un Figaro récent, perfidement envoyé par Fayard, que le livre était annoncé pour être en librairie… le 11 mars. Si à cette date il est entièrement écrit, ce sera déjà bien beau…
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