créée le mercredi 27 août 2014, 16 h 22
modifiée le mercredi 24 décembre 2014, 23 h 13Plieux, mardi 26 août 2014, une heure moins le quart du matin. Dans l’Orne nous avons d’abord cru remarquer, avec une vive satisfaction pour ma part, que la Grande Pelade — la fureur affreuse de l’arrachage des enduits, qui défigure la France — rencontrait sur le tard une assez forte résistance et se voyait opposer, même, une vive offensive de reconquête. À Bellême, en particulier, la plupart des plus beaux hôtels et des plus séduisantes maisons de ville ont conservé leurs enduits d’origine ou leurs crépis anciens, et, à défaut de cela, en ont reçu de nouveaux, en général réalisés avec beaucoup d’exactitude, de fidélité et de goût — c’est le cas à l’hôtel de Suhard, maison d’hôtes où nous avons couché et dont nous avons été très satisfaits.
À Alençon, hélas, la situation inverse l’emporte largement. Presque tous les plus beaux immeubles du centre de la ville ont été mutilés par les arrachements, d’autant plus malencontreux qu’ils ont sévi, souvent, sur des façades du XIXe siècle, néo-classiques, dont tout le propos architectural tenait dans l’opposition savamment ménagée des éléments décoratifs en pierre de taille et des fonds soigneusement crépis. La mauvaise pierraille de ces fonds est désormais à l’air libre et tous les quartiers historiques en revêtent un aspect vaguement sinistre, car rien n’est misérable comme ces pauvres entrailles exposées.
Mais c’est toute la ville qui est victime du manque de soin esthétique et du défaut de regard sur ses propres atouts. L’hôtel de ville, par exemple, est un grand édifice datant des beaux jours de Louis XVI, dû à l’architecte Jean Delarue. Il a belle allure de l’extérieur mais l’intérieur a été entièrement saccagé pour les besoins du service. Devant lui, avec le palais de Justice sur la gauche, néo-classique, et quelques belles maisons éparses, il y aurait eu de quoi faire une belle et noble place. Hélas le palais a été défiguré par l’ajout d’une vilaine verrière post-moderne, qui ridiculise son péristyle, et la place par quelques immeubles horribles — un surtout, juste en face de l’hôtel de ville —, bâtis sans le moindre souci d’accord avec le contexte.
Il en va des places, des villes, des vues comme des bibliothèques, des préférences esthétiques et des soirées de la duchesse de Guermantes : elles valent aussi et peut-être surtout par ce qui n’y est pas — leur pierre angulaire est le sacrifice.
voir l’entrée du mardi 26 août 2014 dans Le Jour ni l’Heure
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