La Ligne claire. Journal 2019

créée le vendredi 17 mai 2019, 12 h 22
modifiée le vendredi 17 mai 2019, 13 h 07
Plieux, jeudi 16 mai 2019, une heure du matin.
Quand les journalistes viennent vous voir, leur article est déjà écrit à quatre-vingt-quinze pour cent, en général. On peut, si on se donne beaucoup de mal, en faire légèrement bouger deux pour cent, à peu près. Il est inutile de se lancer dans de grands discours — ces messieurs et dames n’écoutent pas. Ou plutôt si, ils écoutent bien, mais leur oreille n’est à l’affût, passionnément, que de la phrase, ou du membre de phrase, qui va venir confirmer leur point de vue, bien antérieur à leur visite.

La presse internationale s’intéresse à moi uniquement parce que dans son esprit je suis l’inspirateur du tueur de Christchurch — autant dire un monstre, naturellement. Il ne sert pas à grand-chose de lui faire remarquer que ce tueur ne me cite nulle part, qu’il n’a pas l’air de connaître mon nom, qu’il ne peut guère m’avoir lu puisque je ne suis pas traduit en anglais (Tricks excepté…), et que ses positions sont radicalement contraires aux miennes, puisqu’il est un ardent nataliste et surtout, surtout, parce que son crime est en opposition totale avec tout ce que je recommande depuis toujours, et avec le concept central de ma réflexion politique, l’in-nocence, qui est par définition, et même par étymologie, par être, par essence, une non-violence. Oui, oui, oui, d’accord (ils n’ont rien écouté de tout cela, in-nocence est trop compliqué pour eux, et surtout trop en contradiction avec l’image qu’ils ont déjà de moi) ; oui, oui, oui, mais sa brochure s’appelle “The Great Replacement”, comme votre livre, et ça vous ne pouvez pas le nier. Je ne le nie pas du tout, mais je dis que l’individu en question a séjourné en Europe, qu’en Europe le grand remplacement, la chose, est patent, crève les yeux, et que l’expression qu’il a recueillie est devenue populaire, très répandue, parce qu’elle correspond exactement à la réalité sensible. Ce qui ressemble le plus à son crime ce ne sont pas mes phrases, qui au contraire sont en contradiction totale avec lui, mais les massacres terroristes dont l’Europe a été le théâtre, et qu’il imite bêtement, en leur donnant de sinistres et scélérates répliques, en symétrie. Et je n’ai même pas le temps ou l’occasion d’ajouter qu’il est bien paradoxal de crier à l’odieux amalgame dès qu’on met en cause le Coran et ses nombreux appels au massacre, au moment des nombreuses tueries musulmanes, et de nous incriminer mes écrits et moi, qui ne prêchons qu’in-nocence et non-violence, et qui avons cent fois condamné dans les termes les plus fermes tous les attentats antimusulmans, lorsqu’il s’en produit. 

L’article de La Repubblica inspiré par la visite d’hier était déjà paru ce matin. Tout ce qu’il veut bien concéder à mon avantage est que je suis moins effrayant, de visu, et de socialu, que ma sinistre réputation ne l’impliquerait. Mais pour le reste, de tout ce que j’ai pu dire, il ne reste rien. Le Grand Remplacement demeure une théorie, alors que ce n’est rien de tel, évidemment ; mais le remplacisme global, qui, lui, pourrait bien en être une, ne laisse aucune trace, non plus que sa généalogie — trop compliqués, je suppose, et surtout trop contraires à l’image qu’il convient de charrier. Cependant j’apprends avec surprise, dès le titre, que je suis un idéologue noir, l’ideologo nero — j’imagine que ça veut dire fasciste ? Ou bien le Grand Remplacement va-t-il encore plus vite que je ne le supposais ?

Toute la journée j’ai été soumis au harcèlement de deux trolls, apparemment proches du groupe Égalité et Reconciliation, d’Alain Soral. Ils utilisent contre moi les hideux montages de Jean Robin, le maître-chanteur. Leur dessein est de persuader le monde, par ce truchement, que je suis un effroyable pédophile. Je sais bien que je n’ai pas beaucoup de lecteurs, mais je suis tout de même étonné qu’il ne s’en présente pas quelques-uns pour me défendre, et pour souligner le caractère farcesque de cette accusation, au regard de ma sexualité véritable, telle qu’elle est, ou qu’elle était, abondamment exposée dans mes livres. Peut-être sont-ils trop distingués pour pratiquer les réseaux sociaux… Je ne peux pas leur donner tort. 

Le premier de mes deux clips de campagne a été diffusé ce soir, parmi plusieurs autres de même durée. J’aurais dû porter plus d’attention à sa confection, comme d’ailleurs on me le proposait. Certains des cadrages sont assez malencontreux, trop larges, trop symétriques, trop froids, pas du tout ce que j’imaginais. Naturellement il faudrait faire attention à tout, au moindre signe possible — d’où l’avantage d’avoir auprès de soi à tout moment, ne serait-ce que pour résoudre les problèmes techniques, qui m’assaillent, une équipe de campagne professionnelle. Les pièges sont partout. Par exemple La Repubblica, parmi les nombreuses photographies faites ici-même hier, en a choisi une où je pose, sur la suggestion du photographe, devant le grand panneau de Marcheschi, très noir, Les Nuits de Crète. Cela devient un fond parfait pour le titre de l’article, “Nel castello dell’ideologo nero che sogna la ‘rimigrazione’”. Pour la bonne mesure Les Nuits de Crète, dans la légende de la photographie, sont confondues avec une autre œuvre de Marcheschi, qui d’ailleurs n’est pas à Plieux, La Ferocia. Bien entendu la ferocia suggérée est la mienne. Le paradoxe, encore un, est que l’œuvre fut inspirée à l’artiste par la férocité exercée contre moi, en 2000. Chacune des “figures” représentées était celle d’un des principaux participants à la chasse à l’homme de ce temps-là, Josyane Savigneau, Edwy Plenel, Jean-Loup Rivière, Marc Weitzmann, Élisabeth Roudinesco, Michel Deguy, Laure Adler, Jacques Derrida, Jean Daniel, etc. 

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