créée le mercredi 8 janvier 2020, 10 h 25
modifiée le lundi 8 février 2021, 1 h 17Plieux, mardi 7 janvier 2020, une heure vingt du matin, le 8. Un appel de Me Rimokh, cette après-midi, m’a appris que la Cour de cassation venait de casser sans renvoi l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui m’était favorable, dans l’affaire qui m’opposait à Yann Moix. La partie adverse avait témoigné qu’elle se réservait d’aller en cassation, après l’arrêt, mais nous avions vu cela comme une possibilité qu’elle se ménageait par précaution, sans avoir nécessairement l’intention de la faire jouer. Nous attendions d’être informés, si en effet elle donnait suite. Elle a bel et bien donné suite, mais nous ne fûmes mis au courant de rien. Me Rimokh, peut-être parce qu’il n’est pas habilité devant cette juridiction, ne se vit signifier aucun avis sur la marche (très rapide) de la procédure, ni donc inviter à faire état de nos vues et arguments. Nous n’avions pas la moindre idée de ce cheminement, qui s’est déroulé tout à fait en dehors de nous. Et nous en apprenons l’issue, qui nous est très défavorable, par l’avocat de la partie adverse, Me Ennochi, qui, menaces à l’appui, et sur le ton déplaisant qui lui est coutumier, réclame le remboursement sous huit jours des dommages et intérêts que j’ai touchés l’an dernier. Par chance, nous nous trouvons au seul moment de l’année où j’ai un peu d’argent sur mon compte en banque, à cause des réabonnements à ce journal. J’avais de tout autres vues pour ce petit pactole, les assurances de la maison, des réparations de carrosserie à faire à la voiture, ses quatre pneumatiques à changer, ce genre de choses, rien de très romanesque, et un début de remboursement à Jeanne. Mais il devra servir d’abord à cela.
Me Rimokh trouve le procédé judiciaire extrêmement curieux, et Me Hourdin le juge même « à ne pas croire ». Le plus surprenant est l’absence de renvoi, très rare, et l’exclusion totale d’une des parties, nous, la nôtre, même pas avertie de ce qui se tramait. La décision nous est transmise par l’avocat du requérant, un comble, et l’AFP, qui a tenté de joindre Me Rimokh pour commentaires, en connaissait la teneur avant nous :
« No E 19-82.581 F-D No 2780
« EB2 7 JANVIER 2020 CASSATION SANS RENVOI
« M. SOULARD président,
« R É P U B LI Q U E ,F R A N Ç A I S E
« AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
« Statuant sur le pourvoi formé par :
« - M. Yann Moix,
« contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 13 mars 2019, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;
« La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 26 novembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;
« Greffier de chambre : M. Maréville ;
« Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL, les observations de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CROIZIER ;
« Vu le mémoire produit ;
« Sur le premier moyen de cassation :
« Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
« Attendu que le moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
« Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 32, 48 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, violation de la loi ;
« “en ce que l’arrêt attaqué, infirmatif, a dit que M. Moix a commis une faute civile fondée sur la diffamation publique envers particulier et l’a condamné à payer à Renaud Camus la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
« “alors que constitue une diffamation, l’allégation ou l’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne et se présente sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire ; que tel n’était pas le cas de l’affirmation selon laquelle M. Camus était un écrivain assez antisémite qui n’était rattaché à aucun fait précis de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire ; qu’en décidant le contraire la cour d’appel violé l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881” ;
« Vu l’article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
« Attendu que, pour constituer une diffamation, l’allégation ou l’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire ;
« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Camus a fait citer devant le tribunal correctionnel, du chef précité, M. Moix pour avoir, alors qu’il participait en qualité de chroniqueur à l’émission télévisée “On n’est pas couché” diffusée le 3 juin 2017, dit de lui “c’est un écrivain [...] assez antisémite” ; que les premiers juges ont relaxé le prévenu ; que la partie civile a seule relevé appel de ce jugement ;
« Attendu que, pour dire démontrée contre M. Moix l’existence d’une faute civile, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, l’arrêt annonce que le propos incriminé doit être replacé dans son contexte, d’où il résulte qu’il ne consiste ni en une opinion ni en une injure, puisque le chroniqueur le rattache lui-même à des faits précis, à savoir “l’affaire Renaud Camus” au cours de laquelle ce dernier avait été “accusé d’antisémitisme” et à un message de celui-ci sur le réseau Twitter contenant les mots, qu’il cite, “Juifs, ne nous laissez pas seuls avec les arabes” ; que les juges en déduisent que l’imputation d’antisémitisme se rapporte à des faits précis susceptibles de preuve — dont des exemples sont donnés —, qui sont attentatoires à l’honneur ou à la considération comme pénalement répréhensibles ;
« Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que le passage poursuivi relevait de l’expression d’une opinion et d’un jugement de valeur sur la personnalité de la partie civile, fussent-ils fondés sur des propos qui étaient prêtés à celle-ci, et non de l’imputation d’un fait précis, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
« D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;
« Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens de cassation proposés :
« CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions l’arrêt susvisés de la cour d’appel de PARIS, en date du 13 mars 2019 ;
« DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
« ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de PARIS et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
« Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept janvier deux mille vingt ;
« En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre. »
voir l’entrée du mardi 7 janvier 2020 dans Le Jour ni l’Heure
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