créée le dimanche 7 novembre 2021, 11 h 36
modifiée le dimanche 7 novembre 2021, 11 h 48Plieux, dimanche 7 novembre 2021, huit heures du matin. La longue sortie de Caroline Fourest contre moi chez David Pujadas sur LCI, cette semaine, outre qu’elle a l’avantage de réunir en un seul paquet, non sans les aggraver encore au passage (je serais l’inspirateur de Breivik à Utøya !), les habituelles diffamations et intentions de nuire me concernant, est merveilleusement significative des modes intellectuels de la terreur dans les sociétés post-littéraires d’une part, négationnistes-génocidaires de l’autre — mais en fait ce sont les mêmes.
Le passage le plus intéressant est celui qui concerne Barrès. Barrès, Dieu sait pourquoi — un changement de professeur dans une grande école de journalisme, peut-être ? — a remplacé Maurras comme figure du mal idéologique absolu, parmi la racaille inculte de la Grande Presse. Pas une nasalisante à tribune ou chronique des fachos écrasés n’en doute un seul instant : Barrès-hanh c’est pire-hanh que Maurras-hanh. Me frappe depuis vingt ans à quel point personne n’a lu le premier, dans le milieu crapoteux qui l’exècre ; mais, s’agissant de Barrès, c’est encore plus criant. Mlle Fourest, qui n’est certainement pas la plus bête, parmi le personnel desservant du culte remplaciste, le présente comme « le polémiste le plus violent de l’entre-deux-guerres ». N’importe quel barrésien, bien sûr, mais aussi n’importe quel individu vaguement frotté encore d’un peu d’histoire littéraire, voire de littérature, reconnaîtra dans ces quelques mots la preuve absolue d’une méconnaissance totale. De toute évidence Mlle Fourest, une des journalistes les plus en vue aujourd’hui, et me dit-on l’une des plus puissantes et des plus redoutées, ne sait absolument pas de quoi elle parle, en l’occurrence, ni surtout de qui. Barrès est mort en 1923 : il pourrait difficilement avoir été le plus violent quoi-que-ce-soit de l’entre-deux-guerres ; et de toute façon il serait abusif de le qualifier de polémiste et plus encore de violent : il a bien dû participer à quelques polémiques au cours de sa carrière, comme tout le monde, mais enfin cela ne fait pas de ce romancier, essayiste, penseur et prodigieux poète de la prose française un polémiste. Mlle Fourest doit le confondre avec Léon Daudet, avec Lucien Rebatet, Henri Béraud, les frères Tharaud, Marcel Jouhandeau, voire avec Céline. On peut certes trouver chez Barrès quelques phrases déplaisantes, mais il faut vraiment bien les chercher. Je l’ai moi-même pratiqué des années durant sans avoir d’elles la moindre idée ; et il est suffisamment revenu sur elles, dans Les Grandes Familles spirituelles de la France, pour effacer ces quelques péchés de jeunesse, d’ailleurs few and far between. Mais rien n’y fait, car chercher incessamment de petites phrases afin de nuire et de détruire, dans la méconnaissance totale de ce que l’on détruit, c’est, s’agissant en particulier des écrivains, le propre même de la société post-littéraire, négationniste et déculturée.
« Donnez-moi six lignes de la main du plus honnête homme de France et j’y trouverai de quoi le faire pendre » : Richelieu ? le Laubardemont des procès de Loudun ? le sinistre Laffémas de Marion Delorme, comédien, poète et magistrat, exécuteur des hautes œuvres du cardinal, comme le précédent ? Quoi qu’il en soit, et de qui que soit la formule, elle décrit bien la façon de procéder du bloc davocratique au pouvoir idéologique et de ses sicaires. Qu’ils agissent de la sorte à l’endroit d’un des plus grands écrivains français, et des plus subtils praticiens de notre prose, est incroyablement révélateur de la situation déculturelle et cancellatrice actuelle, où les plus admirables auteurs n’ont plus d’autre existence que celle de mannequins de guignol, qu’agitent derrière leurs écrans des manipulateurs mécanisés, à coups de petites phrases isolées ou tronquées. Nul, même parmi les morts, ne peut survivre à ce régime, si la Woke-Machine décide de le lui appliquer.
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