créée le dimanche 14 juillet 2024, 16 h 57
modifiée le dimanche 14 juillet 2024, 17 h 00Plieux, dimanche 14 juillet 2024, quatre heures de l’après-midi. J’ai mis en ligne sur les réseaux, dans ma série « Arrêtez le massacre ! », une photographie de l’abside romane (mais le reste-t-elle ?) de l’église de l’Assomption ou de la Purification de Bossost, dans le Val d’Aran, dont l’une des chapelles absidiales est tout à fait récente, d’un style résolument “moderne” et d’une pierre blanche à grand appareil qui n’a pas la moindre prétention à imiter le petit appareil assez irrégulier et beaucoup plus foncé du reste du monument. Une bande en demi-cercle d’un verre sombre, sous le toit, et descendant en perpendiculaire sur la droite, comme une porte, sinon qu’elle ne va pas tout à fait jusqu’à terre, ajoute à l’anachronisme et à l’anatopisme très volontaires de cet ajout, ou remplacement (on imagine qu’il y a eu là une absidiole détruite, ou bien qui manquait manifestement à la structure d’ensemble).
Les commentaires sont unanimes, et tous rejoignent mon sentiment : c’est une horreur. L’appréciation la plus récurrente est qu’on jurerait une pissotière — d’ailleurs d’aucuns croient à tort, d’après ma photographie, que c’en est une, ce qui redouble leur indignation. Les commentaires sont unanimes, à l’exception d’un seul, celui d’un architecte, dont la qualité apparaît en son pseudonyme même : lui juge le parti suivi parfaitement défendable, et estime qu’il n’y a aucune critique à adresser à son confrère, dont le plus grand mérite à ses yeux, semble-t-il, est qu’il a su éviter le pastiche. Et ça, pour avoir évité le pastiche, il l’a évité ! Le pastiche, et je peux le comprendre, paraît être le péché capital aux yeux des architectes modernes (moyennant quoi ils font tous à peu près la même chose). Cela dit, je ne sais pas si on pourrait appeler pastiche la copie scrupuleuse de l’absidiole jumelle, dans l’une de ces absides romanes qui, dans l’ensemble, sont rigoureusement symétriques, ou l’étaient à l’origine. Mais là n’est pas la question.
Ce qui me frappe, c’est combien souvent l’avis des experts, des connaisseurs, des savants, des sachants, comme je crois qu’on dit bien laidement, des personnes formées pour avoir une opinion éclairée, va contre le sentiment de la masse et celui du bon sens. Tout le monde est à peu près d’accord pour estimer que les villes modernes, et en particulier les banlieues, sont une abomination, que l’urbanisme contemporain est un sujet constant de désolation pour l’œil et pour l’âme, que quatre-vingt-dix pour cent de ce qui se construit est hideux ; mais enfin, et sans exception, c’est l’œuvre de ceux qui sont censés savoir ce qu’ils font, des architectes et des urbanistes longuement formés pour ne produire, imaginerait-on, que le meilleur, et auxquels, pour cette raison, on n’ose faire aucune objection. Pareillement, tout le monde voit bien la désespérante horreur du changement de peuple et de civilisation, de la société et d’ailleurs de l’urbanisme, justement, qu’il entraîne, tout le monde, sauf les sociologues, les statisticiens, les démographes, qui d’abord ont prétendu cinquante années durant que ce changement de peuple n’avait pas lieu, et soutiennent à présent que c’est un grand bienfait et qu’il ne reste plus, pour les ignorants de ma sorte, qu’à apprendre à l’aimer. C’est vraiment à se demander si les études, y compris les études les plus soutenues, et peut-être spécialement elles, ne consistent pas à apprendre à ne pas voir, à savoir bien nier l’évidence, comme de longues propédeutiques de l’aveuglement. On n’apprendrait plus qu’à servir loyalement le désastre (c’est-à-dire à l’être).
voir l’entrée du dimanche 14 juillet 2024 dans Le Jour ni l’Heure
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