Lettre de Mme Aimée Alma-Coulaudon, publiée dans Le Monde daté des dimanche 7 et lundi 8 mai 2000.
L'accusation d'antisémitisme portée à l'encontre de Renaud Camus a plongé ses lecteurs clermontois dans un étonnement affligé. Une accusation d'une telle gravité jointe à une telle méconnaissance de ses écrits nous conduit à nous interroger sur le sérieux de ceux qui l'ont proférée.
Clermont, c'est bien loin de Paris, et il semblera sans doute dérisoire de signaler qu'en novembre 1998, Renaud Camus s'est vu attribuer le prix Aimé-Coulaudon, à l'Hôtel de Ville de Clermont-Ferrand, pour l'ensemble de son oeuvre.
Cette juste reconnaissance par sa propre ville d'un écrivain bien délaissé par les grands jurys littéraires n'est que de peu d'importance, nous en sommes bien conscients. Néanmoins, ce prix est décerné tous les cinq ans en souvenir de mon père, Aimé Coulaudon, écrivain clermontois, mort en 1968. Avocat à la Cour d'Appel de Paris, élu député socialiste du Puy-de-Dôme en 1936, il fit partie du mouvement Combat, dès sa création, avec son frère Emile Coulaudon (Colonel Gaspard, chef des Maquis d'Auvergne, Compagnon de la Libération).
Présidente du jury, si l'ombre d'un doute concernant un antisémitisme latent ou déclaré de la part de Renaud Camus m'avait effleurée, je l'aurais estimé infréquentable et d'autant moins susceptible d'être associé au souvenir de mon père. Bien au contraire, Renaud Camus et moi-même appartenons à la génération pour qui la Shoah est le crime inexpiable, et il s'en est suffisamment exprimé au fil des années dans son Journal.
Renaud Camus a pris le parti d'écrire un journal exhaustif dans lequel il ne s'épargne guère. Devrait-il y éviter des réflexions pertinentes et actuelles afin de sacrifier au "politiquement correct" ? Ce n'est pas son propos et nous n'attendons pas autre chose de lui. Avant lui, Léautaud avait donné son accord à la publication de son Journal littéraire, sous condition qu'il paraisse sans coupures. Les milieux de l'édition et de la presse française auraient-ils tellement changé, jugeraient-ils les lecteurs de Renaud Camus trop stupides ou trop fragiles pour ne pas se faire eux-mêmes une opinion, ou, pire, seraient-ils trop liés à d'obscurs enjeux ? Nous pouvons nous interroger sur cette curieuse réapparition d'une censure à très mauvais escient, et conclure : « Ce serait tragique, si ce n'était bouffon ».
Aimée Alma-Coulaudon
(Les passages en italiques n'ont pas été publiés par le journal)