Assez !La chronique de Philippe Lançon intitulée "Après coup" et sous-titrée "Youpi ! Youpin !" parue le mercredi 21 juin illustre, hélas, la mauvaise foi médiatique la plus ordinaire ainsi que l'absence criante de toute probité dans le chef du journaliste. Dans son articulet, le journaliste évoque une émission populaire au cours de laquelle l'animateur Jean-Luc Reichman a commis un jeu de mots franchement abject en rapprochant par homophonie le mot "youpi" et le mot "youpin". Philippe Lançon profite de cette occasion pour relancer de manière légère et malhonnête la polémique rageuse qu'a suscitée malheureusement le livre de Renaud Camus La Campagne de France.
Le procédé rhétorique dont use l'auteur de l'article est pour le moins faible et est, en tous les cas, injuste. D'abord, Lançon évoque l'affaire Camus par une contraction sensée résumer le sujet, «Pour parler des juifs» écrit Lançon. Or si on lit attentivement le propos de Camus (les passages incriminés sont lisibles sur le site personnel de Renaud Camus "perso.wanadoo.fr / renaud.camus / affaire / index.html"), on s'aperçoit immédiatement qu'il ne parle pas des juifs en général mais très précisément d'une émission radiophonique ponctuelle. Ce qui est injustifiable dans la manière d'argumenter de Philippe Lançon, c'est l'évidente méconnaissance des pages dont on se sert pour accuser Renaud Camus d'antisémitisme. On pourrait aussi s'étonner que cette méconnaissance s'étende à tout le corpus de l'écrivain, mais on touche là à un problème de culture qui déborde notre propos, quoique... De fait, il est totalement erroné de résumer par l'expression «parler des juifs» les paragraphes camusiens objets de la polémique. Philippe Lançon appuie son argument sur les béquilles infâmes de la rumeur. Mais Philippe Lançon ne s'arrête pas en si mauvais chemin. Pour enfoncer le clou de ses opinions anti-camusiennes si mal étayées, le journaliste construit un amalgame douteux entre le journal de Camus et l'émission télévisuelle de Jean-Luc Reichman. Le nom de Renaud Camus apparaît au début et à la fin de l'article et constitue dès lors une figure de parenthèse où un rapport analogique s'inscrit entre la parenthèse et le contenu de la parenthèse. Renaud Camus est ainsi assimilé à «la présence d'un antisémitisme ordinaire», une parenthèse française douloureuse et persistante.
L'amalgame est toujours une figure malhonnête du discours et tout journaliste devrait le savoir. Pour ma part, en tant que lecteur de Libération, je déplore ce genre d'écart qui dévalorise indubitablement les prétentions à la vérité qui sont, j'ose encore le croire, caractéristiques du travail de tout journaliste.
Ayant lu les paragraphes concernés par l'affaire Camus, je tiens également à écrire que je n'ai à aucun instant de ma lecture compris que l'écrivain attaquait dans son propos le fait d'être juif. Il faut revenir au texte et lever l'équivoque, car Camus lui-même le lève par ses réflexions de diariste. Non, Renaud Camus n'a pas tenu des propos maurrassiens. Non, le jeu de mots crapuleux de Reichman ne peut se mesurer en aucune façon à la prose de l'écrivain Renaud Camus. Que cesse la chasse aux sorcières dont Renaud Camus fait l'objet et surtout que les acteurs de cette polémique insensée apprennent à mesurer avec plus d'à propos leurs mots. Les mots sont des petits êtres vivants disait Nathalie Sarraute. Qu'on ne leur inocule pas inconsidérément la rage.
Olivier Deprez