[Monsieur,

Décidément, je croyais que cette maudite "affaire" était terminée. Hélas, vos détracteurs persistent et de la manière la plus odieuse. En effet, lisant ce matin le supplément littéraire du journal Le Monde, on pouvait sous la plume de Josyane Savigneau supposer que «certain romancier antisémite d'aujourd'hui, pour la défense duquel on pétitionne» était un "certain" ...Renaud Camus. Cette allusion est vraiment d'une bassesse sans nom. En tant que lecteur, on ne peut être que touché par ces mots crapuleux.
 

De plus, il n'est plus possible de parler de vos livres à des amis sans voir les sourcils se lever. C'est idiot et fatiguant. Il faut quand même que cette journaliste sache qu'elle écrit des billevesées. Je lui envoie, certainement en pure perte, une lettre de doléances que voici : ]
 
 
 
 
 

Bruxelles, le 24 février 2001.

Madame,

Le supplément littéraire du journal Le Monde a été longtemps pour le lecteur que je suis un outil de référence. Il ne l'est plus depuis quelques années et aujourd'hui encore moins qu'hier.

Dès que j'ai ouvert les pages littéraires de votre quotidien, et voyant que l'on y parlait longuement de Paul Morand, j'ai aussitôt su que l'on y associerait d'une manière ignominieuse le nom de Renaud Camus. Philippe Sollers qui a déjà prouvé son talent de procureur ubuesque dans la dite "affaire Camus" ne se risqua pas malgré l'approche résolument judiciaire de son commentaire à créer un amalgame entre le Morand vichyste et l'auteur de l'admirable Discours de Flaran.

Tournant la page et commençant de lire votre article, je ne saurais vous décrire le sentiment pénible qui m'a envahi lorsque j'y ai rencontré le propos allusif le plus ignoble qui soit. Vous prenez bien garde de ne pas citer de nom, mais vous savez très bien que beaucoup de gens se souviennent encore de la campagne anti-Camus notamment orchestrée par votre journal. Les dégâts de cette "affaire" sont graves pour Renaud Camus, pour ses lecteurs et pour la littérature francophone.

Lors de conversations amicales, le lecteur de Renaud Camus s'il en vient à parler de ce qui lui tient à coeur, c'est-à-dire les livres de Renaud Camus, est souvent, trop souvent, sommé de s'expliquer sur cette sympathie scandaleuse, que le quidam en tous les cas présume tel. Or, lorsque le lecteur aura patiemment rappelé les enjeux de l'oeuvre camusienne, les interrogations de celle-ci, sa diversité, son étendue, l'interlocuteur de notre lecteur camusien s'étonnera des accusations épouvantables et injustes qui ont sali la réputation de Renaud Camus.

Il est fort probable et même certain que de nombreux lecteurs potentiels de Renaud Camus se sont détournés de cet écrivain à cause de "l'affaire". Il faudra du temps pour réparer semblable méprise.

Les conversations amicales que je viens d'évoquer n'ont absolument rien de médiatique, les lecteurs de Renaud Camus n'ont pas beaucoup de tribunes où ils pourraient transmettre leur plaisir à lire cet écrivain rare. Par contre, les journalistes ont de ce point de vue un avantage énorme dont ils usent et parfois malheureusement abusent. Je voudrais vous rappeler le cas de Philippe Lançon qui dans le journal Libération tenait des propos passablement odieux dans une colonne qui pourtant n'était pas intégrée au cahier Livres, on ne lui en demandait pas tant, c'était sans doute un excès de zèle. Visiblement, le journaliste disait ce qu'il disait en toute méconnaissance de cause. Il l'a écrit et reconnu publiquement par après dans le journal de la Fnac. Car après avoir lu, mais vraiment lu, ce qui s'appelle lu, la prose de Renaud Camus, le journaliste a été convaincu de l'injustice qu'il avait commise. Il l'a dit, un peu tard, trop tard. Pourquoi ne pas avoir inversé la méthode et au lieu d'écrire n'importe quoi sur un auteur qu'il n'avait pas lu, le journaliste n'a-t-il pas préalablement lu les livres de l'écrivain ? Avant d'accuser, ne doit-on pas s'assurer de la réalité du délit ?

Votre accusation insistante hypocritement dissimulée dans votre article procède en toute apparence de la même ignorance. Je vous prie d'avoir l'honnêteté intellectuelle de citer les sources de votre allusion. Pourriez-vous étayer ce que vous semblez penser de Renaud Camus ? Comment expliquez-vous qu'un écrivain qui fonde sa lecture de l'art contemporain sur la catastrophe de la Shoah est un écrivain antisémite ? Comment expliquez-vous qu'un écrivain qui écrit un commentaire si sensible de l'oeuvre de Josef Albers est un écrivain antisémite ? Comment expliquez-vous qu'un écrivain antisémite dans le même livre écrive un commentaire sur une oeuvre de l'épouse de Josef Albers ayant été commandée par une institution juive pour commémorer l'extermination des juifs ?

Je vous avouerais que pour ma part, je ne comprends pas une telle contradiction. J'attends avec beaucoup d'impatience que vous me l'expliquiez. En effet, j'ai acquis en lisant Sören Kierkegaard un grand respect pour la probité intellectuelle. Je ne doute pas encore que vous en soyez démunie. J'espère lire un jour prochain vos commentaires camusiens cette fois fondés sur une authentique lecture et non sur des ragots de comptoir de café du commerce.

Olivier Deprez