Réponse à Renaud Camus
Spire contre-attaque
Par Didier Jacob
On craint, signant Jacob, de réveiller l'imbécile qui dort. N'y avait-il pas déjà, pour Renaud Camus, trop de journalistes juifs à France-Culture, trop de Juifs partout ? Ainsi mis en cause, l'un des collaborateurs du "Panorama", Antoine Spire, s'est attelé à la pénible tâche de relire les écrits du forcené diariste. Il en a rapporté quelques pépites dont la lecture suffirait à discréditer le bonhomme. Sur l'équipe de France : «Quel rapport de l'équipe de France avec la France, si la moitié des joueurs ne sont pas français, sinon par naturalisation précipitée ?» Sur les Juifs : «Monsieur Nicolas Sarkozy (je ne sais même pas comment s'écrit son nom) est-il Juif?» Sur les Juifs encore : «Dans ma petite liste de Juifs que vraiment je n'aimais pas, j'ai oublié le psychanalyste Gérard Miller qu'on voit beaucoup sur le petit écran et qui, lui aussi, a le don de m'exaspérer.» Dans L'Obsession des origines, Antoine Spire surmonte la répulsion première, pour analyser l'élitisme triomphant et l'antisémitisme mondain de Renaud Camus. On connaît ses ânes de bataille : culte de la pureté dans le domaine linguistique, exaltation du bien de chez nous dans la dénonciation des patronymes à consonance étrangère, mépris systématiquement affiché de tout ce qui est black, juif, tsigane ou beur, affirmation de la supériorité des Français dits «de souche» sur ceux dont les origines ne remonteraient pas à François 1er. Cette pensée s'enracine dans une longue tradition intellectuelle qui sévissait déjà chez Maurras, chez Barrès, chez Giraudoux même. Fallait-il consacrer un livre à la dénonciation de ces navrantes thèses ? C'est tuer un têtard avec un lance-roquettes. De même, lorsque Spire note que nombreux sont ceux, parmi les "Juifs" du "Panorama", qui ont été labelisés français depuis plusieurs siècles, il montre trop d'égards à l'endroit de Camus en répondant sur le terrain bourbeux où celui-ci s'est aventuré. Quand il rappelle en revanche que «la dernière fois à notre connaissance qu'on a publiquement dénombré les Juifs à la radio, cité leurs noms et disqualifié leurs propos, c'était dans le journal "Au pilori" le 10 juillet 1941», Antoine Spire dénonce utilement le scandale de son livre, et fait oeuvre de salubrité publique.
L'Obsession des origines, par Antoine Spire, Verticales, 194 p., 88 F.
Didier Jacob