RACE. Presque tenté parfois (mais il ne cède pas à la tentation, d'ailleurs faible) de se dire raciste, par amour des races (dont il paraît qu'elles n'existent pas). Mais à la vérité ce ne sont pas là des mots à lui. Pense plutôt en termes de peuples, de nationalités, de religions, de territoires, d'origine. L'origine (géographique, ethnique, religieuse, sociale, etc.) est à la fois essentielle, pour lui, très séduisante, et parfaitement non déterminante. Qu'un être soit transylvain, basque, zoulou, tibétain, ou belge, protestant, portugais vendéen, juif, cherokee ou dogon, natif de Casamance, des Grisons, de Xaintrie ou des cantons rédimés, c'est absolument capital dans la perception "poétique" qu'il en a, mais ça n'a aucune espèce d'influence sur le jugement moral ou intellectuel qu'il peut porter sur cet "être" particulier, ni sur l'estime, l'amitié, le désir, bien sûr, ou l'amour éventuellement, qu'il peut ressentir à son endroit. Aucun individu n'a jamais eu l'occasion de lui faire reproche du moindre racisme à son égard.Par exemple il n'a pas une admiration frénétique pour l'état actuel de la civilisation musulmane (en particulier pour sa complaisance aux tyrannies, et son art de les susciter), ça ne l'empêche pas ou ne l'empêcherait en rien de ressentir le plus grand respect, beaucoup d'affection, de sympathie (ou d'attraction sexuelle, évidemment) à l'égard d'un Marocain, d'un Libanais ou d'un Iranien.
En fait toute origine est favorable à ses yeux, intéressante, précieuse (sauf peut-être la Côte d'Azur, mettons, en tant qu'elle serait précisément dé-originée, dé-historicisée, publicitaire (contrairement à la Provence ou au comté de Nice, par exemple) (et de toute façon tout est rattrapable, au cas particulier). L'individu fait exception, par définition, à toute règle ou préjugé concernant le groupe quel qu'il soit. Sur ce point, d'ailleurs (comme sur de nombreux autres, incohérence sémantique, politique, morale : le métissage universel (ou national) ne lui semble pas du tout désirable, mais il sera le premier à se réjouir sincèrement du mariage d'un ami paraguayen avec une Lapone, ou d'une Auvergnate chère avec un Bantou sexy. Il est très hostile à l'immigration incontrôlée, mais ferait des pieds et des mains pour faire obtenir des papiers à l'amant équatorien d'un lecteur de Vierzon.
(Résultat : «Je ne veux pas voir mon nom et mon travail souillés par l'association avec un personnage dont les positions racistes, xénophobes, élitistes et pro-pédophiles, aussi stupides et pubertaires soient-elles, me dégoûtent autant que l'égocentrisme pathologique qui est à l'origine de ces aberrations. » (Lettre d'une artiste (peu connue) un temps exposée à Plieux.))
Etc., éditions P.O.L, 1998, pp. 152-154.