SEMITISME, ANTISEMITISME. Se déclare un moment juif d'honneur (où?). Très grand intérêt, insuffisamment éclairé mais constant, pour la pensée et la tradition juives (kaballe, Spinoza, Lévinas, etc. Thème du nom de Dieu. Tradition juive et abstraction (Rothko, Newman, Ryman, Thursz, cf. Discours de Flaran).

Par pudeur, par mépris, par insoumission, par refus de céder à la glu des discours et par goût littéraire de l'inadmissible, il laisse traîner auprès des imbéciles l'idée évidemment absurde qu'il pourrait bien être un peu antisémite, sur les bords (ou même pas sur les bords). Cette idée est alimentée 1° par le délire antisémite des toutes premières pages de L'Ombre gagne (que personne n'a lu, mais elle gagne quand même) (le prix à payer pour le discours en roue libre, le carrousel incontrôlé des "idées", c'est le discours antisémite, de tous le plus inadmissible : une fois qu'on l'a tenu on n'a plus rien à perdre et l'on peut dire littéralement n'importe quoi, ce qui était en l'occurrence l'objectif recherché); 2° par la conviction qu'il existe bel et bien une tradition juive de la pensée (qui bien entendu n'implique pas la pensée individuelle de chaque individu) (tradition juive de la pensée traditionnellement vigilante, qui en plus d'une occasion sauve le peu qui peut l'être de l'honneur de la France, par exemple au moment de la (1re?) crise yougoslave (Finkielkraut, Lévy, etc.)); 3° par la conviction qu'on doit pouvoir à présent exercer son jugement sur les juifs pris individuellement ou en groupe comme sur n'importe quel autre groupe géographique, ethnique, social ou religieux (avec les mêmes précautions et les mêmes réserves, mais pas davantage) (et donc qu'on peut trouver tel ou tel juif horrible,  sans quoi il ne peut pas y en avoir d'admirables, ou de géniaux, etc. (or Dieu sait qu'il y en a)); 4° par un rapport dialectique (et donc problématique) avec la pensée juive "dominante" (dans le journalisme et dans le "champ culturel") d'une désorigination  du monde, des cultures, des êtres - paradoxale (et donc fascinante) chez le peuple qui, en même temps qu'il promeut, théorise (et subit) l'errance fait appel en droit à l'origine la plus forte et la plus ancienne (droits revendiqués (légitimement, à son sens) sur la terre d'Israël après deux mille ans d'interruption) (à moins que ce ne soit ceci qui ne permette cela?). Etc.

Le goût de l'origine est suspect. Or chez les amis juifs (comme chez les autres) il aime en effet l'origine (entre autres choses). L'origine est une raison d'aimer, jamais de ne pas aimer (par exemple il n'éprouve pas une admiration folle, etc. (cf. race) (corollaire : pendant l'Occupation, amour pour un Allemand? Sans aucun doute (mais pas pour un nazi))).

Il tient le sort infligé aux Juifs entre 1933 et 1945 pour le plus grand crime de l'histoire de l'humanité (qui pourtant regorge de crimes épouvantables). Pas la moindre trace de révisionnisme, négationnisme, etc. (c'est encore trop d'avoir à l'écrire). En revanche (tout à fait d'accord en cela avec Noam Chomsky), déplore la loi Gayssot, comme très inadéquate (et faisant bien de l'honneur aux négationnistes).

Etc., éditions P.O.L, 1998, pp.164-165