Extrait et note
de l'ouvrage
La Nouvelle Judéophobie,
Par Pierre-André Taguieff
(p. 200-201)
 
 
 
 

«On était en droit d'attendre, venant de ceux qui ont pétitionné frénétiquement durant plusieurs semaines, au printemps 2000, contre les "propos antisémites" qu'a ou qu'aurait commis l'écrivain Renaud Camus dans son Journal de l'année 1994 (note 348, voir ci-dessous) un mouvement irrépressible d'indignation et une forte mobilisation publique toutes les fois qu'en plein Paris furent proférés rageusement des cris du type "Morts aux Juifs" ou "Juifs, on va vous tuer !". Intellectuels, écrivains et journalistes ordinairement indignés par la rumeur vague d'une métaphore ambiguë sont restés silencieux et se sont montrés, une fois n'est pas coutume, fort avares de leurs signatures. Les censeurs et les lyncheurs médiatiques n'ont rien vu ni entendu. Cette extrême réserve des plus pétitionnaires du monde médiatico-intellectuel se rencontre aussi ordinairement parmi les professionnels de la politique (la vraie question est : Renaud Camus, ça représente combien de divisions de votants?)» (...)

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Note 348 : « Renaud Camus, La Campagne de France. Journal 1994. Paris, Fayard, 2000. La campagne de dénonciation est lancée par Marc Weitzmann dans l'hebdomadaire Les Inrockuptibles, le 18 avril 2000. Sauf à postuler chez l'écrivain des intentions anti-juives profondes et voilées, son "antisémitisme" présumé est difficilement démontrable sur la seule base des fragments textuels incriminés par ses accusateurs. Ce qui est sûr, c'est que ce texte comporte des passages où des préjugés et des stéréotypes de tradition antisémite sont repris avec une surprenante naïveté, dans un contexte où l'on ne rencontre cependant aucun appel à la haine ni à la violence. S'il est vrai que certains lecteurs du Journal 1994 ont pu sincèrement en trouver certains passages "offensants" ou "blessants", comment comprendre que tel esthète mondain bouffi de vanité, affectant de mépriser la "France moisie" et s'offusquant de découvrir partout des traces de "pétainisme", et par exemple chez son contemporain Renaud Camus, puisse ne pas se sentir choqué par les hurlements antijuifs de certains "jeunes". Il est vrai que, s'ils ne lisent pas les précieux pamphlets de Céline, ces chers petits méprisent eux aussi, à leur manière, la France et les Français. Comme aujourd'hui l'esthète célinophile. » (...)