Le robinet coule encore
K. 310, de Renaud Camus
Est-ce que cette fuite ne cessera jamais ? Est-ce que ce liquide nauséabond va continuer à se répandre, indéfiniment ? On pouvait penser que la ridicule "affaire Camus" aurait au moins un avantage, celui de fermer le robinet, d'interrompre le "journal" de Renaud Camus, enseveli une fois pour toutes sous l'abjection unanime qu'il s'était attirée, malgré quelques défenseurs aveugles ou aveuglés - de ceux qui ne veulent jamais être de l'avis général, par principe, même et surtout quand l'avis général est le bon : pouah, quelle vulgarité !
En tout cas non, n'y comptez pas : le robinet fuit toujours. Voilà K. 310, le "journal" de Camus pour l'année 2000. Le titre, s'il vous plaît, fait référence à Mozart, rien de moins, qui ne méritait pourtant pas, le malheureux, d'être entraîné dans cette débâcle (intestinale). Et comme 2000 c'est l'année de l'"affaire", justement, l'auteur a tout loisir de montrer à quel point il ne comprend pas, mais alors pas du tout, et surtout ne veut pas comprendre, ce qu'on essaie de lui expliquer gentiment. «Qui, moi?, a-t-il l'air de dire : vous devez me prendre pour un autre. Ou bien vous m'aurez mal lu. Tout ça est un malentendu».
Hélas, il n'y a aucun malentendu, ce nouveau volume le confirme amplement. De la forteresse dans laquelle il s'est lui-même enfermé, au propre comme au figuré, Camus ne bouge pas d'un iota. Aucun remords. Et pas d'autre regret que celui de s'être fait taper sur les doigts - très injustement il va sans dire, de son point de vue. S'il pleure, ce n'est jamais que sur lui-même. Et pour le reste, aucun changement : même petites histoires de coucheries, même attention maniaque à ce qu'on dit de lui, mêmes commentaires de pion sur les façons de parler des uns et des autres, même complaisants détails de porte-monnaie et de tube digestif, même regard myope et aigri sur le monde. Mêmes pas de clercs et bévues, aussi : parce Camus, parmi les cuistres, présente la particularité d'être un des moins informés. Heureusement pour lui, au fond, qu'il y a eu un petit accident de parcours. Il n'en fallait pas moins pour qu'on puisse distinguer une année d'une autre, dans son "journal". Est-ce que quelqu'un ne va pas se décider à changer les caoutchoucs, à la fin ?